Enquête judicaire: Kistnen ne s’est pas suicidé, reconnaît finalement le médecin-légiste

4 years ago - 19 December 2020, lexpress.mu
Enquête judicaire: Kistnen ne s’est pas suicidé, reconnaît finalement le médecin-légiste
Mauritius Telecom a-t-elle exclu les échanges téléphoniques qu’aura eus Kistnen après le 18 septembre ?

Des révélations pleuvent chaque jour au tribunal de Moka dans l'enquête judiciaire sur la mort suspecte de Soopramanien Kistnen. Après des images de Safe City qui disparaissent, des données seraient manquantes chez Mauritius Telecom. Cependant, le relevé a pu démontrer que l'activiste a eu des échanges avec le PM et ses conseillers, y compris Vinod Appadoo. Pourtant, ce dernier nous a déclaré qu'il était venu à la cour de Moka comme tout citoyen curieux de prendre connaissance d'une enquête judiciaire...

La liste des échanges téléphoniques qu'aura eus Soopramanien Kistnen a révélé des surprises. Le décédé a parlé aux conseillers du Premier ministre, Ken Arian et Vinod Appadoo, ainsi que le conseiller officieux mais néanmoins omniprésent Basoodeo Seetaram. Kistnen aurait également conversé avec nul autre que Pravind Jugnauth lui-même. Toutefois, le numéro fixe de ce dernier est précédé du chiffre 18 que Kiran Gokhool de Mauritius Telecom (MT) a qualifié de code national. Comme Me Rama Valayden lui a rappelé que le code du pays est le 230 et pas le 18, le haut cadre de MT devra revenir aujourd'hui pour confirmer la signification de ce curieux code 18 (NdlR: c'est le code de la République dominicaine quand on fait une recherche de l'indicatif international des pays, à moins que MT ait une autre numérotation).

Des données disparues de chez MT?

Une interrogation de taille de l'avocat du Directeur des poursuites publiques (DPP), Me Azam Neerooa, et de Me Rama Valayden : pourquoi n'y a-t-il aucun appel ni SMS y compris des SMS automatiques venant d'Orange, entre le 18 septembre et le 16 octobre, le jour probable du décès de Kistnen ? On aura la réponse sans doute aujourd'hui. Cela concerne bien sûr le premier cellulaire de Kistnen sur lequel tout le monde le contactait. Au cas où ces échanges sont pro- duits, on saura avec qui il a parlé les jours précédant sa mort. En tout cas, à une question de Me Rama Valayden, Kiran Gokhool a avoué avec difficulté qu'il est possible d'exclure certaines données comme une période grâce à un paramétrage calibré.

À une autre question de l'avocat de la famille Kistnen, Kiran Gokhool a répondu que toute demande, par exemple le présent ordre du juge, est redirigée vers le département légal de MT. Gokhool précise que la demande est ensuite adressée à un certain V.C. qui extraie alors les informations demandées. Ces informations, rappelons-le, sont ensuite téléchargées sur un tableau Excel où les données, toujours selon Kiran Gokhool, pourraient être manipulées.

Une forte dose de péthidine dans le sang de la victime

L'avocat du parquet, Me Azam Neerooa, s'est surpassé hier. Grâce à ses questions bien cadrées et méthodiques, il a pu démontrer que ceux qui disaient que Kistnen s'est suicidé se sont grossièrement trompés. Même si le Dr Ananda Sunnassee a répété ce qu'il a écrit dans son rapport, à sa- voir que Kistnen serait mort d'un œdème pulmonaire, Me Azam Neerooa a voulu connaître les causes menant à un œdème pulmonaire en général et celui-ci en particulier. C'est alors que le médecin a dévoilé qu'une forte dose de péthidine a été décelée dans le sang de Kistnen.

Pour rappel, Me Rama Valayden en avait déjà parlé dès le début de l'enquête. On a appris que ce médicament est un puissant sédatif qui peut tuer un homme moyennement bâti en l'espace de six heures surtout si une overdose est administrée, comme ce fut le cas pour Kistnen. En tout cas, explique le Dr Sunnassee, elle rendra la personne qui en a reçu une forte dose complètement groggy.

Est-il possible que c'est Kistnen lui-même qui se soit administré ce dangereux médicament qui n'est disponible qu'en hôpital et clinique ? Le médecin a renvoyé la cour à l'enquête policière car de son côté, dit-il, il ne peut que certifier les substances contenues dans le corps du défunt. Pressé de questions par Me Azam Neerooa, le médecin a reconnu finalement qu'il aurait été impossible pour Kistnen de s'injecter de la péthidine et s'immoler ensuite. Ce serait encore plus invraisemblable, a demandé non sans ironie l'avocat du parquet, que Kistnen après avoir pris une forte dose de pethidine, mette le feu aux cannes, circonscrive l'incendie avant de se jeter dans les flammes ?

Le Dr Sunnassee a reconnu que l'avocat avait raison car Kistnen était dans un tel état comateux qu'il n'aurait pas pu s'atteler à toutes ces tâches pour se suicider de cette manière atroce. Le médecin est d'accord pour avancer qu'il est possible que Kistnen respirait encore quand il fut immolé, car on a retrouvé des traces de fumée dans ses bronches. Mais on ne sait pas avec exactitude si c'est la péthidine ou le feu qui a causé l'œdème pulmonaire fatal.

Cette conclusion logique à laquelle est arrivé le médecin n'avait pourtant pas paru ainsi à la police qui avait exclu l'hypothèse d'acte criminel dès le début... A la sortie du tribunal, les avocats de la famille Kistnen et de Koomadha Sawmynaden ont félicité Me Azam Neerooa pour avoir pu faire le médecin dire ce que ce dernier n'a pas dit dans son rapport.

Péthidine chez les chevaux aussi

Parlant de la péthidine qui a été administrée à Kistnen, Me Rama Valayden a rappelé que ce dangereux médicament n'est pas seulement disponible dans les hôpitaux et cliniques mais aussi chez les vétérinaires qui s'occupent des chevaux. Mais il n'a pas voulu en dire plus.