La sauvegarde de l’environnement constitue le grand défi de notre temps et un thème qui s’impose avec plus d’acuité dans le débat politique. Pourtant, on repère certaines infractions en matière de la qualité de l’air dont les autorités ne semblent pas faire grand cas, telle l’augmentation significative de la pollution émanant des pots d’échappement des vieux autobus. Ce fléau a pris une telle proportion que d’aucuns se demandent si les 15 opacimètres – servant à détecter et à mesurer la quantité de fumées d’échappement émises par les véhicules à moteur –, acquis au coût de Rs 9 millions par le gouvernement en février 2022, ne dorment pas au fond des tiroirs des ministères et organismes concernés qui devraient se pencher sérieusement sur les émissions de polluants dépassant l’entendement, émis en conditions de circulation par les vieux autobus de la compagnie United Bus Service (UBS) Ltd, mettant en péril la santé des citoyens.
La pollution atmosphérique représente un grand risque pour la santé humaine et peut affecter les gens différemment, selon la toxicité du polluant et le degré d’exposition, de susceptibilité et de vulnérabilité de l’individu. Selon l’OMS, cette pollution, en cas d’une forte exposition récurrente, s’avère cancérigène pour l’homme et peut entraîner des pathologies respiratoires et cardiovasculaires. À Maurice, en 2014, 21% des plaintes enregistrées par le ministère de l’Environnement étaient liées à la pollution de l’air. Ce chiffre a quasiment doublé en 2022, même si les fuites d’échappement devraient être de moins en moins fréquentes de nos jours lorsqu’on sait que les véhicules sont plus efficaces et les vérifications plus rigoureuses.
Le secteur du transport en commun est le premier émetteur de gaz à effet de serre et ses impacts sur l’environnement sont nombreux : pollution de l’air, de l’eau, modification des paysages ou encore contribution au changement climatique. La scène est fréquente à Maurice : des autobus diesel ayant entre 15 et 17 ans d’âge en moyenne, crachant des panaches de fumée noire. Les niveaux de pollution oscillent d’un point à un autre, mais le constat est saisissant dans de nombreux quartiers résidentiels serpentés par d’étroites rues où des vieux autobus déglingués, roulant à vive allure, se succèdent du matin au soir.
Mêlée aux nuages de poussière…
La toxicité des fumées rejetées par les pots d’échappement de ces véhicules, mêlée aux nuages de poussière qu’ils soulèvent, demeure un supplice pour les riverains qui y sont quotidiennement exposés. Dénonçant leur empreinte désastreuse sur l’atmosphère et les conséquences néfastes pour leur santé, qui vont des maux de tête aux bronchites, ils en appellent à une prise de conscience de la part des autorités. « On a la nette impression qu’il y a un laisser-aller au niveau de l’entretien des autobus, dont ceux de la compagnie UBS principalement. Certains véhicules datent des années 2000. Ce n’est pas normal d’être exposé à ces épaisses fumées noires s’échappant des pots d’échappement, du matin au soir. C’est un problème de santé publique grave et on connait ses conséquences à long terme », confie une habitante d’un quartier des villes-sœurs.
Loin de nous l’idée d’attribuer le rôle de bouc émissaire au UBS et d’exempter les autres compagnies de transport en commun dans l’augmentation et la dégradation significatives de la pollution toxique émanant des pots d’échappement. Mais sur la base de plusieurs témoignages de résidents tirant la sonnette d’alarme – sur la toile notamment – sur ce fléau, et à la lumière de nos propres observations et enquêtes, les vieux autobus de UBS semblent être en pole position en terme d’émissions de polluants dépassant le seuil autorisé. Cette fumée nocive pour la santé est encore plus dangereuse pour les conducteurs et motocyclistes, en particulier quand il fait nuit.
Et quid du certificat de fitness ?
Ces vieux véhicules polluants passent-ils par une maintenance régulière ? Des chauffeurs de la UBS nous ont confié que tel n’est pas le cas. « Les autobus doivent être soumis à une vérification mécanique et technique tous les jours avant de prendre la route, mais bien souvent, rien n’est fait dans ce sens », soutient une source. Du côté du département mécanique, on maintient que certains autobus doivent être retirés de la circulation : « Certains autobus datant des années 2000 doivent être mis au rencart, car ils sont sources de pollution et peuvent mettre en péril la vie des usagers aussi bien que des piétons. »
Si ces véhicules vétustes et en fin de leur cycle de vie sont toujours en circulation, c’est qu’ils ont forcément obtenu un certificat de fitness. La loi est-elle appliquée dans toute sa rigueur ? Cette question mérite une attention particulière, même si la hausse du prix du diésel – couplée à la concurrence et la popularité croissante des lignes du métro – pourrait constituer un frein aux velléités dépensières des compagnies de transport en commun. L’accident impliquant un vieil autobus de UBS à La Butte ayant coûté la vie à Nicolas Low Kwong, âgé de 19 ans et qui marchait tranquillement sur un trottoir, aurait dû servir de piqûre de rappel à la compagnie, mais il semble qu’elle a déjà balayé cet épisode d’un revers de main, même si le chauffeur dudit autobus pourrait avoir été à l’origine de cette mort tragique.
À quand une vaste opération de mesure de la pollution ?
Depuis le 21 février dernier, date à laquelle les amendements à la Road Traffic (Control of Emission) Regulations 2002 sont entrés en vigueur, le gouvernement a doté le police de l’Environnement de Maurice de 7 opacimètres : 2 appareils ont été remis à la police de l’Environnement de Rodrigues, un à la Traffic Branch et 4 à la National Land Transport Authority (NLTA). Ces appareils ont coûté Rs 9 millions à l’État. Une cinquantaine d’officiers de ces instances ont été formés, en amont, durant une semaine environ par des représentants de la firme française Capelec Ltd, représentée à Maurice par Crans & Company Ltd, dans l’optique de détecter et à mesurer la quantité de fumées d’échappement émises par les véhicules à moteur. Rs 1 million ont été déboursés pour cette formation.
Les conducteurs contrôlés sont priés d’accélérer la vitesse de rotation moteur (VRM) de leurs véhicules. Si la fumée émise dépasse 50% d’opacité, les contrevenants écoperont d’une amende de Rs 2,000. Au-delà de 70%, la pénalité sera de Rs 4,000, couplé d’un délai maximal de 14 jours pour procéder aux ajustements nécessaires dans leur véhicule. Faute d’avoir pu joindre l’inspecteur Jean Nobin Brasse de la police de l’Environement, nous ne sommes en présence d’aucune statistique pouvant certifier la thèse selon laquelle les diagnostics et les contrôles techniques des véhicules automobiles menés par le biais de ces appareils se déroulent avec parcimonie ou pas du tout ! À en croire certaines sources proches du dossier, la police de l’Environnement ne disposerait pas des ressources humaines nécessaires pour mener de vastes opérations de mesure de la pollution.