Forces de l’ordre: pourquoi des policiers se font-ils tant taper sur les doigts?

2 years ago - 3 November 2022, lexpress.mu
Forces de l’ordre: pourquoi des policiers se font-ils tant taper sur les doigts?
Depuis le début de l’année, la police ne cesse de faire parler d’elle, et pas pour les bonnes raisons.

Violences policières, abus dans les arrestations menées par la nouvelle unité, fuite de données provenant de pièces à conviction, rappel à la discipline et critiques par les juges et magistrats, entre autres, la liste est longue en ce qui concerne les critiques envers cette institution. Qu’est-ce qui cause cela ?

Dans le rapport sur l’affaire Kistnen, la magistrate Vidya Mungroo-Jugurnath a écrit noir sur blanc comment la police n’aurait pas fait son travail comme il se doit dans l’enquête sur le meurtre de l’ancien agent du MSM. Et pas plus tard que la semaine dernière, dans son jugement dans l’affaire Dooyoodan Neemye, un pêcheur habitant Tamarin, qui poursuivait l’État pour maltraitance policière, l’Acting Senior Puisne Judge Rita Teelock rappelle l’importance pour la police d’être redevable de ses actions afin «que le public puisse avoir confiance en cette institution».

Mais qu’est-ce qui cloche donc dans la force policière pour être sujette à tant de critiques ? Selon un ancien haut gradé de la police, l’institution policière devient peu à peu comme la Development Works Corporation (DWC), qui a dû fermer ses portes. «Il est malheureux de le dire mais aujourd’hui dans la police, il ne faut plus avoir le potentiel pour monter les échelons mais un background politique. C’est de là que vient le problème. Ce n’est plus une institution publique mais politique, comme c’était le cas à la DWC.»

Des propos que soutiennent de nombreux policiers que nous avons interrogés sous le couvert de l’anonymat. Selon eux, si la police perd son blason doré vis-à-vis du public, mais aussi aux yeux de la justice, c’est parce qu’elle n’arrête pas d’avoir des «zanfan gaté» qui pensent que tout est permis. «Cela fait plus de dix ans que je fais partie de la force policière et ce qui arrive depuis deux ans je n’ai jamais vu ça. Beaucoup pensent que tout leur est permis parce qu’ils ont des ‘contacts’. C’est de là que vient l’abus de pouvoir.»

Selon eux, il est malheureux que plusieurs policiers veuillent délaisser l’uniforme et ne voient plus de fierté en travaillant dans cette institution à cause des critiques qui ne cessent de pleuvoir. «Il n’y a plus de sanctions pour ceux qui fautent vraiment et qui montrent clairement qu’ils n’agissent pas comme il se doit. On essaie de masquer des dommages collatéraux, mais les gens ne sont pas bêtes. Ils comprennent qu’il y a des abus de pouvoir.»

En prenant l’exemple de la descente de la nouvelle unité de la police, la Special Striking Team, chez les beaux-parents de l’avocat Sanjeev Teeluckdarry, nos interlocuteurs révèlent qu’après l’affaire Akil Bissessur, la police a encore une fois fait s’éroder le peu de confiance du public en cette institution. «La police ne cesse d’être médiatisée comme un outil utilisé contre ceux qui ne sont pas pour le régime au pouvoir. É li pa bon ditou. Nous inspirons la peur d’un État policier et un manque de confiance. Bann saki asiz lor gro sez dan lapolis pa pé santi sa zot mé bann saki anba ki travay ar piblik toulézour fas a fas ki gagn sa bien. Quand les membres du public vous regardent avec dédain et n’ont plus de respect pour vous, vous comprenez qu’il y a un problème.»

Quoi qu’il en soit, nos sources indiquent que cela ne changera pas tant que ceux qui ont fait le serment de servir dans la police ne se servent pas de leurs postes pour avoir des faveurs politiques. Parce que peu importent les critiques venant des magistrats ou autres, tout passera comme «dilo lor bredsonz» si certains se croient tout permis par protection «bann pli lao-la». Et cela, aux dépens de nombreux bons éléments de la police qui «sont pointés du doigt pour des erreurs qu’ils ne commettent pas».