Secteur automobile: Frénésie d’achats avant la hausse des taxes et les incertitudes à venir

3 weeks, 3 days ago - 30 June 2025, lexpress.mu
Secteur automobile: Frénésie d’achats avant la hausse des taxes et les incertitudes à venir
Dans le cadre de sa stratégie de consolidation budgétaire, le gouvernement a engagé une révision en profondeur du système de recettes fiscales. L’objectif affiché : renforcer la stabilité économique, garantir une croissance durable à long terme et assurer une meilleure cohésion sociale.

Parmi les secteurs ciblés figure l’automobile, où la situation est devenue préoccupante. Le parc automobile mauricien a connu une croissance soutenue ces dernières années, dépassant largement les capacités actuelles d’aménagement du réseau routier. Le ministre du Transport, Osman Mahomed, a indiqué au Parlement que le nombre de véhicules en circulation a bondi de 43 % entre 2015 et 2024. À la fin de l’année dernière, plus de 700 000 véhicules étaient enregistrés auprès de la National Land Transport Authority. Cette hausse contribue non seulement à une congestion routière accrue, mais aussi à une augmentation du nombre d’accidents.

À cela s’ajoute un autre défi de taille : l’impact des importations de véhicules sur les réserves en devises étrangères. La flambée des achats à l’international devrait engendrer une sortie de devises dépassant les Rs 20 milliards en 2025, exerçant une forte pression sur la balance commerciale du pays.

Face à cette conjoncture, le gouvernement a décidé de mettre en œuvre diverses mesures. Depuis le 6 juin 2025, les droits de douane sur les véhicules hybrides et électriques ont été réintroduits. En parallèle, les taux de droits de douane sur les véhicules conventionnels ont été revus à la hausse, oscillant désormais entre 45 % et 100 %, avec une disposition transitoire. D’autres mesures entreront en vigueur à partir du mardi 1er juillet. Il est prévu une augmentation de 30 % du droit d’enregistrement lors de la première immatriculation d’un véhicule. Ce droit sera toutefois aboli pour la vente et le transfert de véhicules d’occasion à usage domestique. Enfin, la Road Motor Vehicle Licence (communément appelée Road Tax) connaîtra aussi une hausse, variant de Rs 200 à Rs 4 000 selon la catégorie du véhicule.Les plaques d’immatriculation personnalisées seront également soumises à un paiement annuel.

Dans ce contexte d’ajustements fiscaux imminents, une vague d’achats s’est rapidement manifestée avant le 30 juin. De nombreux consommateurs ont finalisé leurs commandes avant l’entrée en vigueur des nouvelles hausses, provoquant une forte augmentation des ventes sur le marché automobile. Le président de l’association Dealers in Imported Motor Vehicles, Zaid Ameer, confirme une flambée des ventes ce mois-ci. «Si on enregistrait environ 1 000 véhicules vendus par mois, ce mois-ci, nous avons franchi la barre des 2 000. Les stocks ont été totalement épuisés», affirme-t-il. C’est un nombre record de ventes. Même constat du côté des concessionnaires de véhicules neufs, où les ventes ont connu un pic exceptionnel. Alors que 1 500 unités s’écoulaient habituellement en un mois, environ 4 000 véhicules ont été vendus en l’espace de quelques semaines. De nombreux consommateurs se sont empres- sés d’acquérir un véhicule – qu’il soit neuf ou d’occasion – afin de bénéficier des anciens tarifs. Les ventes ont atteint un niveau record.

Toutefois, cette frénésie d’achats devrait être de courte durée . Les professionnels du secteur s’attendent à une baisse significative de la demande dans les mois à venir. La hausse cumulée des coûts – entre l’augmentation du fret, l’appréciation des devises étrangères et les nouvelles taxes – risque de freiner fortement le marché. Selon les projections des opérateurs, les ventes pourraient chuter de 50 %.

Mrinal Teelock, secrétaire général de la Motor Vehicles Dealers Association (MVDA), confirme également ce mouvement précipité. «Il y a eu un afflux inhabituel dans les showrooms. Certains concessionnaires ont été littéralement dévalisés. Il y a également eu une surcharge du système : certaines agences ont dû fermer temporairement pour traiter la paperasse, les livraisons et cela a été de même pour les enregistrements d’immatriculation. Des heures supplémentaires ont été nécessaires pour absorber le volume», explique-t-il.

Face à cette situation, la MVDA avait soumis une demande de moratoire afin d’obtenir un délai avant l’application des nouvelles mesures. Celle-ci n’a toutefois pas été retenue.

«L’augmentation est telle que cela devient un facteur d’exclusion. Soit une personne pourra se permettre d’acheter une voiture, soit ce n’est plus possible. Certains clients nous ont dit clairement que sans cet achat ce mois-ci, ils n’auraient plus eu les moyens d’acquérir un véhicule», poursuit Mrinal Teelock.

Quant à la suite, les professionnels demeurent dans l’incertitude. «Il n’y a aucune visibilité sur les mois à venir avec les nouveaux tarifs en place», regrette-t-il. L’augmentation du coût des véhicules laisse présager une révision à la hausse des tarifs d’assurance, ceux-ci étant généralement liés à la valeur du bien assuré.

Sollicités vendredi pour réagir à la situation, plusieurs concessionnaires ont indiqué ne pas être en mesure de répondre, certains évoquant la charge administrative engendrée par ce pic d’activité. Par ailleurs, selon nos recoupements, le nombre de véhicules acquis sous le régime duty-free reste relativement élevé.

Dans un contexte d’augmentation des prix des véhicules, accentuée par les nouvelles taxes, certains personnels, notamment ceux du service public, continuent de bénéficier de ces privilèges lors de l’acquisition d’un véhicule. Sur ce point, l’économiste Azad Jeetun souligne que «cela fait partie des conditions de leur emploi, et il serait difficile d’y mettre un terme. Il s’agit généralement d’un droit à une voiture en duty-free ou avec des taxes réduites». Il précise toutefois que cette pratique engendre un coût et constitue donc une perte de revenus pour l’État.