Une passion née dans un atelier familial
Son histoire commence bien loin des circuits européens, dans l’atelier de ses parents, tous deux entrepreneurs dans le domaine de la mécanique et du transport. C’est là, au cœur de moteurs démontés, d’outils de précision et de passion familiale, que la jeune Niveshika développe très tôt une affinité naturelle avec les machines. «Mon père a été ma première source d’inspiration», confie t-elle. «J’ai grandi dans un environnement profondément lié à la mécanique, et cela a éveillé ma curiosité dès l’enfance.»
Cette exposition précoce ne tarde pas à se transformer en ambition. Au Droopnath Ramphul State College, elle se distingue par son esprit analytique et sa soif d’apprendre. Elle sait déjà qu’elle ne veut pas d’un avenir ordinaire. Elle rêve de haute technologie, d’innovation, de défis industriels, et pourquoi pas, d’ingénierie de pointe.
Animée par ce rêve, elle quitte l’île Maurice pour poursuivre un Bachelor en ingénierie mécanique en Allemagne, avec une spécialisation en mécatronique. C’est là que la magie opère : elle découvre à quel point ses connaissances théoriques peuvent trouver un écho dans le monde de la Formule 1. «Pendant mes années à l’université, j’ai compris que la F1 est le summum de l’ingénierie. Chaque concept appris devient réalité dans cet univers où chaque milliseconde compte.»
Sa dernière année d’études l’amène en France, où elle intègre ensuite l’Institut Supérieur de l’Aéronautique et de l’Espace Supméca, pour un Master en génie industriel. Là encore, elle ne se contente pas d’apprendre : elle s’implique, explore, questionne, et surtout, elle cherche une entreprise qui correspond à ses valeurs. «Je voulais une structure où l’excellence, l’innovation et l’humain sont au centre. Quand j’ai eu l’opportunité de rejoindre Alpine, c’était l’alignement parfait entre ma passion, mes compétences et mes aspirations.»
Une Mauricienne chez Alpine F1 Team
Aujourd’hui, Niveshika occupe le poste d’ingénieure industrielle chez Alpine Racing. Sa mission ? Optimiser les processus, les méthodes de production et de maintenance afin d’améliorer la qualité, la fiabilité et l’efficacité des opérations. «C’est un métier où il faut constamment repousser ses limites. On n’a pas de journée type. Chaque jour est un nouveau défi, avec des priorités changeantes, des décisions à prendre rapidement et une exigence de rigueur permanente.»
Ce monde où la pression est omniprésente pourrait en effrayer plus d’un. Mais Niveshika, elle, y puise de la force. «La clé, c’est la communication et la confiance en soi. On ne peut pas tout faire seul, surtout dans un environnement aussi complexe. L’esprit d’équipe est fondamental.»
Parmi les nombreux projets auxquels elle a contribué, un en particulier l’a profondément marquée : un volet du programme «Cost Cap» en collaboration avec la Fédération Internationale de l’Automobile (FIA). Ce projet stratégique visait à quantifier les différentes énergies utilisées dans la production des moteurs. «C’était un projet qui alliait performance technique, rigueur réglementaire et engagement environnemental.»
À travers cette mission, elle découvre aussi l’impact environnemental de l’ingénierie dans le sport de haut niveau. Un apprentissage marquant, qui renforce son engagement à conjuguer technologie et responsabilité.Travailler en Formule 1, c’est évoluer dans un environnement où l’excellence n’est pas un objectif, mais une condition de survie. Alors, comment gère-t-on la pression dans un tel contexte ?
«Il y a des journées plus difficiles que d’autres. J’essaie de rester calme, de ne pas me précipiter. La sérénité est une alliée précieuse.» Elle insiste aussi sur l’importance de l’humilité. «On n’a pas toujours toutes les réponses, et il faut savoir l’accepter. Prendre du recul, s’interroger, c’est souvent le meilleur moyen de progresser.»
Ambassadrice de son île, malgré elle
Lorsque ses collègues découvrent qu’elle vient de Maurice, leurs réactions oscillent entre surprise et curiosité. «Cela ouvre souvent de belles discussions. J’ai l’occasion de parler de mon pays, de sa richesse culturelle, de ses talents.» Et bien qu’elle ne revendique pas ce rôle, elle devient naturellement une ambassadrice de l’île sur la scène mondiale. «Je ressens une responsabilité, celle de montrer que peu importe d’où l’on vient, tout est possible. Si mon parcours peut inspirer ne serait-ce qu’un seul jeune Mauricien ou une seule jeune Mauricienne à croire en ses rêves, ce sera ma plus belle réussite.»
Si elle est arrivée aussi loin, c’est aussi grâce à une fondation inébranlable : sa famille. Elle parle de sa mère, exigeante mais bienveillante, de son père, calme et rêveur, et de sa fratrie, source quotidienne de motivation. «En tant qu’aînée, je ressens une responsabilité, celle de montrer l’exemple. Mais en vérité, ce sont eux qui m’inspirent.»
Elle n’oublie pas non plus l’amour silencieux mais constant de ses proches : sa grand-mère, ses oncles, ses tantes, ses cousins. «Je marche portée par tout cet amour, toute cette foi et toute cette humilité qu’ils m’ont transmis.»
Regarder vers l’avenir avec ambition
Quant à l’avenir, elle le voit avec ambition et lucidité. «Je veux continuer à évoluer dans l’univers de la haute performance, à renforcer mes compétences techniques mais aussi managériales. À moyen terme, je me vois dans des rôles plus stratégiques, pourquoi pas à la tête de projets d’innovation.» Mais au-delà de son propre développement, elle aspire aussi à rendre ce milieu plus inclusif. «J’aimerais contribuer à ouvrir des portes, surtout pour les femmes et les jeunes talents. Car il y a encore beaucoup à faire dans ce domaine.»
Derrière cette ingénieure brillante, il y a une jeune femme profondément humaine, animée par des valeurs de persévérance, de partage et de transmission. Et à celles et ceux qui hésitent encore à croire en leurs rêves, elle lance un message sincère : «N’ayez pas peur de viser haut. Le chemin sera peut-être long, mais croyez en vous. Et entourez-vous des bonnes personnes. Parfois, une seule opportunité peut changer toute une vie. Il faut avoir le courage de la saisir.»