Les Mauriciens au Volant: Chauffeurs ou Chauffards...

10 years, 11 months ago - 24 May 2013, The Défi Media Group
Les Mauriciens au Volant: Chauffeurs ou Chauffards...
Après l’accident tragique de Sorèze et l’introduction du permis à points, la sécurité routière est au centre des débats. Avec le nombre grandissant d’accidents sur nos routes, la conduite des Mauriciens soulève de nombreuses interrogations. Sont-ils chauffeurs ou chauffards ?

D’après un rapport de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), près 1,14 million de personnes décèdent dans un accident de la route annuellement. 20 à 50 millions d’autres sont blessées, parfois même handicapées. À Maurice, les chiffres ne sont pas moins alarmants. Fin 2012, 22 387 accidents ont été enregistrés sur nos routes dont 144 ont été fatals et 450 qui ont occasionné des blessures sévères. Dans de nombreux cas, un accident de la route serait lié à une erreur de conduite.

Le non-respect des codes de la route, la conduite dangereuse ainsi que l’alcool au volant sont souvent causes d’accidents. Le nombre grandissant d’accidents pousse à revoir certaines de nos habitudes au volant. Conduire serait-il un art qui fait défaut à Maurice ?

Manoj Rajkoomar, secrétaire de l’Association des moniteurs d’auto-école est d’avis que dans le domaine de la conduite, les chauffeurs mauriciens ont de grands efforts à faire. « À Maurice, nombreux de nos chauffeurs conduisent avec de l’insouciance et ne respectent pas les codes de la route.

Certains d’entre eux n’ont malheureusement pas les connaissances de base et agissent avec une certaine légèreté dangereuse. La conduite est influencée par de nombreux facteurs externes et individuels. En ce qui concerne les facteurs externes, nos chauffeurs sont parfois confrontés à l’état déplorable de certaines routes. Dans certaines régions de l’île, les panneaux de signalisation ne sont pas idéalement placés. Cette situation est favorable aux accidents et qui dit accident dit chamboulement de la circulation », précise-t-il.

Notre interlocuteur souligne que la personnalité du conducteur est un facteur tout aussi important. « Un chauffeur agressif et coléreux peut laisser son caractère déteindre sur sa conduite. Par exemple, il se montrerait moins patient envers les autres automobilistes. Certaines de ses actions peuvent créer des bagarres sur les routes. Un cas de figure très fréquent à Maurice. Pour de nombreux chauffeurs, il est tout à fait normal d’injurier ou d’insulter un autre chauffeur qui aurait fait une faute. Il y a un manque de courtoisie flagrant parmi les chauffeurs.

Ces derniers ne savent pas communiquer entre eux », explique-t-il. Le secrétaire de l’Association des moniteurs d’auto-école attire l’attention sur une étude menée en Europe, selon laquelle, un chauffeur se croit toujours supérieur aux autres et qu’ils sont immunisés contre les accidents. « Cet état d’esprit est aussi présent chez bon nombre de nos chauffeurs mettent alors leur propre vie et celle des autres en danger », ajoute-t-il.

Le rôle des policiers, surtout ceux affectés à la Traffic Branch est de faire respecter la loi sur les routes. Cette tâche n’est pas aussi facile qu’on pourrait le penser.

« Les automobilistes et les motocyclistes font souvent fi des consignes de la police. Dans la capitale, par exemple, bon nombre de chauffeurs garent leurs véhicules sur les trottoirs ainsi que dans les zones interdites de stationnement. La circulation est alors bloquée. Les contraventions ne servent pas à grand-chose car les chauffards finissent un jour ou l’autre par récidiver. Par contre, l’introduction du permis à points a changé la mentalité de bon nombre de chauffeurs », souligne un officier de police.

Les retombées du permis à points

À peine sept jours après l’introduction du permis à points, 308 contraventions dont 160 pour excès de vitesse ont été enregistrées.  Les autres conducteurs ont, quant à eux, été sanctionnés pour des délits tels que le non-port de la ceinture ainsi que l’utilisation du portable au volant. En addition, plusieurs centains de conducteurs ont été flashés par des caméras de vitesse.

Les officiers de la Traffic Branch et les membres de la Special Road Safety Unit sont à pied d’œuvre pour promouvoir le respect des codes de la route. Toutefois, selon le responsable de la SRSU, une semaine est loin d’être suffisante pour tirer des conclusions sur le permis à points. Il convient de donner aux chauffeurs le temps de s’adapter.

La limite de vitesse selon la Road Traffic Act

Établir la sécurité sur les routes mauriciennes, tel est l’objectif principal de la Special Road Safety Unit (SRSU). Afin de dissiper la confusion sur les limites de vitesse, cette unité a publié sur son site officiel, un explicatif de la Road Traffic Act. Les points clés de cet ouvrage sont les suivants :

  • La description des catégories des routes, notamment celles avec les symboles, ‘A’, ‘B’ et ‘M’. En somme, les routes A désignent les routes principales ainsi que certaines routes B alors que celles avec le sigle M désignent l’autoroute.
  • En ce qui concerne les limites de vitesse, il est précisé qu’aucun véhicule n’est autorisé à dépasser 60 kilomètres par heure sur les routes A et B. Par contre, la limite de vitesse sur l’autoroute ne doit pas dépasser les 110 kilomètres par heure. Cependant, l’automobiliste doit être vigilant sur l’autoroute car les limites de vitesse varient selon les particularités des routes.  
  • Un véhicule approchant un car scolaire en embarquement ou débarquement doit obligatoirement ralentir et rouler à une vitesse ne dépassant pas les 40 kilomètres par heure.

Alain Jeannot, porte-parole de Prévention Routière Avant tout (PRAT) : « Un manque de discipline de la part des chauffeurs »

Le code de la route désigne l’ensemble des règles en rapport avec l’utilisation des voies publiques, notamment les chaussées, autoroutes et trottoirs. Ces règles sont destinées à chaque usager de la route, qu’il soit piéton, cycliste ou automobiliste. En matière de sécurité routière, le code de la route joue un rôle très important, voire capital. Établir des codes de la route est une chose, les respecter en est une autre. Quelle est la situation à Maurice ?

Alain Jeannot souligne que le manque de discipline de certains chauffeurs à Maurice pourrait expliquer le non-respect des codes de la route. « Il suffit de voir le nombre d’accidents sur nos routes et celui des contraventions pour comprendre l’urgence de la situation. Certains chauffeurs n’ont aucune considération pour les autres usagers de la route. La culture de soumission aux codes de la route fait dangereusement défaut à Maurice. Il règne une mentalité de chacun pour soi sur nos routes. Chaque chauffeur essaie de tracer son chemin sans s’occuper des autres. Ce problème concerne particulièrement les motocyclistes », souligne-t-il.

Alain Jeannot est de ceux qui sont d’avis que souligner le problème n’est pas suffisant pour améliorer la situation sur nos routes. « Notre association s’est engagée dans la prévention routière. Nous menons régulièrement des campagnes de sensibilisation dans les écoles et notre but est de toucher un maximum de gens. Promouvoir le respect des codes de la route figure parmi nos plans d’actions. On s’efforce à faire comprendre aux gens que la route peut être très dangereuse », insiste-t-il.

Ben Buntipilly, conseiller au bureau du Premier ministre en matière de sécurité routière : « On n’est pas prêt à voir des cadavres sur nos routes »

> L’introduction du permis à points à Maurice est-elle une indication que les Mauriciens conduisent mal ?

Il faut être réaliste. Le projet d’introduire le permis à points à Maurice date depuis 1989. En 24 ans, nous n’avons eu aucun facteur qui aurait pu nous dissuader de sa mise en application. En revanche, le nombre d’accidents sur nos routes ne cesse d’augmenter ainsi que celui de blessés graves.

L’introduction du permis à points est alors justifiée. Toutefois, cela ne veut en aucun cas dire qu’il n’y a que des chauffards sur nos routes. Le permis à points est avant tout un outil pédagogique qui va permettre à nos chauffeurs d’améliorer leur conduite. Cet outil se base sur trois facteurs très important notamment la prévention, la sélection et la réhabilitation. Les gens vont réfléchir à quinze fois avant d’aller à l’encontre d’un code de la route. Suite à l’introduction du permis à points, on note un changement radical dans le comportement des chauffeurs.

> Étions-nous prêts pour le permis à points ?

Il faut avant tout préciser que l’introduction du permis à points à Maurice n’a pas été une décision prise sur un coup de tête. Plusieurs études ont été menées dans le but de mieux comprendre ses différentes implications. On a aussi mené une campagne de prévention de longue haleine dans le but de sensibiliser les Mauriciens sur le respect des codes de la route et sur d’autres facteurs en rapport avec la sécurité routière.

En ce qui concerne les infrastructures qui font beaucoup débat actuellement, je suis d’avis qu’il ne s’agit pas d’un facteur qui aurait pu nous dissuader d’introduire le permis à points. On n’est pas prêt à voir des cadavres sur nos routes. On est prêt à dire aux automobilistes qu’il est temps de comprendre que leur permis de conduire n’est pas un permis à vie.

> Les sanctions sont-elles suffisantes pour responsabiliser les chauffeurs ?

Les sanctions ne sont certainement pas suffisantes pour responsabiliser les chauffeurs. C’est là qu’intervient la troisième étape du permis à points qui est la réhabilitation. Cet outil nous permettra de cibler les chauffeurs qui ont besoin d’aide. Afin de mieux aider les chauffeurs, un syllabus structuré et en ligne avec la modernisation est nécessaire. On compte travailler ensemble avec les moniteurs d’auto-école car il ne faut pas oublier que ces derniers font un excellent travail. Il est tout aussi important d’avoir une harmonisation dans le curriculum de formation. Plusieurs projets sont actuellement en cours dans le but de faire de nos chauffeurs, des chauffeurs responsables.

La parole aux chauffeurs – Quel est votre avis sur la conduite des Mauriciens ?

Vikram Luckhun, 33 ans, chauffeur d’autobus : « Les chauffeurs ne sont pas courtois »

« Les routes de Maurice sont très dangereuses. Le manque de courtoisie de certains chauffeurs est en partie responsable de cette situation. Le fait de passer le plus clair de mon temps sur les routes me permet d’affirmer que le comportement de certains jeunes au volant est souvent la cause d’accident. Ces derniers font comme bon leur semble et ne respectent pas les codes de la route. Il ne faut pas oublier qu’un chauffeur tient sa vie et celle de ses passagers entre ses mains. Il est alors très important de se concentrer. »

Reza Keramuth, 47 ans, chauffeur de taxi : « Beaucoup de pratique et d’expérience avant de s’engager sur les routes »

« De nombreux Mauriciens se comportent comme des fous au volant. Ils n’ont aucun jugement et aucune considération pour les autres. Je suis d’avis qu’il faut avoir beaucoup de pratique et d’expérience avant de s’engager sur les routes. Il ne faut pas oublier qu’un simple moment d’inattention de notre part peut causer un accident grave. »

Azhar Aumeer, 28 ans, chauffeur de car scolaire : « Il suffit de respecter des principes »

« Il ne faut pas généraliser. Il y a sur nos routes des chauffeurs qui conduisent avec la tête sur les épaules. Cependant, en ce qui concerne le respect des lois  en rapport avec la sécurité routière, certains chauffeurs doivent faire un de plus gros efforts. Il suffit de respecter des principes. Notre permis de conduire n’est en aucun cas un permis de tuer. »