Riders à la Traffic Enforcement Squad: des Aventurières à la Fibre Sensible

8 years, 5 months ago - 18 October 2015, lexpress.mu
Riders à la Traffic Enforcement Squad: des Aventurières à la Fibre Sensible
Depuis le 16 septembre, Jennifer Justin et Kresta Dedans font partie des dix femmes recrutées comme Riders à la Traffic Enforcement Squad (TES) qui comprend 20 motards. C’est le sens de l’aventure et la possibilité de sensibiliser les usagers de la route à une conduite plus prudente qui les a menées là.

Jennifer Justin et Kresta Dedans ont compris que ce n’est pas en se départant de leur féminité ou en jouant les gros bras qu’elles seront acceptées par leurs pairs et le public en général. Si Jennifer Justin n’a pas une once de maquillage sur le visage, elle porte de discrètes boucles d’oreilles et une bague à l’annulaire gauche. De son côté, Kresta Dedans, dont les lobes d’oreilles sont aussi ornés de petites boucles, a souligné ses yeux d’un léger trait de khôl. Ses lèvres portent encore la trace d’un brillant et ses ongles sont recouverts d’un vernis pâle mat.

Jennifer, 26 ans, est native de Port-Louis. Elle, qui a réussi sa Form VI au collège Alpha, pratique les sports de combat – boxe française, kickboxing et boxe anglaise – depuis l’âge de huit ans. Elle a tellement entendu son père, employé municipal, évoquer son désir inassouvi de faire partie de la police qu’elle a secrètement caressé le rêve de lui montrer qu’elle pouvait y arriver et le rendre fier. Si bien que dans sa tête c’était intégrer la police ou rien. «Si pa ti gagn lapolis, pa ti pou travay mem mo krwar !» confie-t-elle.

De son côté, Kresta, 23 ans, vient de Pamplemousses. Cette ancienne élève du collège Friendship, qui a un oncle gardien de prison, a écouté sa mère qui veut absolument qu’un de ses enfants exerce dans la force policière. Et puis, aux yeux de la jeune femme, l’uniforme de la police est synonyme de respect et de discipline. En attendant que la force policière recrute, Kresta travaille pendant quelque temps comme secrétaire dans une école, puis dans un centre de plongée de Péreybère. Emploi qu’elle trouve trop statique.

Jennifer intègre la police en 2009 et sa collègue en 2013. Commence alors pour les deux – mais à intervalles différents – une formation intensive de huit mois à la Very Important Person Unit (VIPSU) de Vacoas. Elles passent haut la main les épreuves d’endurance physique. Même les punitions, telles que les tours de terrain et une dizaine d’abdominaux pour un retard, sont appréciées.

Kresta n’oubliera jamais le jour de son anniversaire lorsqu’elle était en formation. «À l’issue du petit-déjeuner, j’ai lavé mon assiette et laissé le robinet ouvert pour la fille qui venait après moi. Sauf qu’elle n’est jamais venue et que le robinet est resté ouvert. Et on m’a épinglée.» Elle a dû faire cinq fois le tour du terrain de la VIPSU en plein soleil. Cela, juste après avoir mangé. Jennifer, elle, n’arrivait jamais à nettoyer ses chaussures à la satisfaction de son supérieur. «Souvan parski mo soulié pa ti asé glasé, mo’nn bizin al galoup trwa tour térin ek fer dis pressups. Touletan netoyé mem, zamé li asé prop. Parfwa koleg vinn donn mwa koudmé netoyé pou mo pa pini.»

Une fois leur formation complétée, elles ont la responsabilité de Street Duties. Jennifer est postée aux Casernes centrales et effectue des patrouilles en ville alors que Kresta est envoyée aux postes de Terre-Rouge, Montagne-Longue et Roche-Bois. Les deux trouvent ces affectations fatigantes car elles doivent rester debout plusieurs heures d’affilée. Kresta a, par la suite, rejoint la Bike Patrol, où il n’y a que deux femmes. «Tifi pa tro intérésé ar sa. Moi j’aime ce genre de chose.»

Au cours de ces patrouilles à vélo, raconte-t-elle, ce sont surtout des motocyclistes qui sont verbalisés parce que leurs motos ne sont pas conformes. «Pou bokou, apar zot tank lésans, koumadir bann skélet ki pé roulé !» dit-elle en riant.

Avant de postuler pour être Rider à la TES, Jennifer, de son côté, passe deux ans et demi à la Special Supporting Unit. Une affectation qu’elle a adorée. «Ouuiiiiiiiiiii. Ti mo pla. Kouma mo sportiv, fer gym, galoupé dan granmatin, mo’nn kontan sa. Ti éna extra solidarité ant koleg. Enn lespri dékip extra.»

Un de ses souvenirs les plus marquants : le jour où son équipe est appelée à épauler un groupe de l’Anti-Drug and Smuggling Unit (ADSU) qui procède à une descente en vue d’arrêter un trafiquant de drogue à Grand-Gaube. Lors de celle-ci, l’ADSU se retire en premier après avoir arrêté le suspect. Mais lorsque Jennifer et les siens s’apprêtent à sortir à leur tour, ils tombent nez à nez avec une grosse foule qui les assaille de pierres. «Mo’nn gagn dé-trwa kout ros lor latet. Érezman ti éna helmet». Mais la policière voit le bon côté des choses. «Sa finn rann mwa pli for. Si mo’nn rési pas ladan ek trouv enn solision pou be on the safe side, sa védir ki mo kapav débrouyé.»

Ayant le désir d’acquérir une nouvelle expérience, les deux postulent pour être motocyclistes au sein de la TES. Elles ont été coachées par le sergent Mohamed Sheik Coowar, le caporal Soleehall et le constable Nullacoottee. Et au cours de leur formation, elles ont piloté de grosses motos allant jusqu’à 750 chevaux.

Si elles n’ont pas à se plaindre de leurs pairs masculins, en revanche, deux usagers de la route sur dix se montrent insultants, voire menaçants, à leur égard. Jennifer raconte qu’il y a quelques semaines, elle s’est mise en travers de la route et a fait signe à un motocycliste de s’arrêter pour une vérification de routine. «Je lui ai parlé gentiment en lui faisant remarquer qu’il n’avait pas de rétroviseur. Il était furieux. Linn dir mwa ki mo péna manier é ki li, li enn sofer kamion. Linn azouté ki la prosenn fwa ki li dan so kamion é ki li trouv mwa, li pou fer li enn devoir pou kraz mwa ! Mo’nn gard mo kalm ek mo’nn donn li so kontravansion pou rétroviser ki manké.»

Dimanche dernier, c’était au tour de Kresta de subir les foudres d’un chauffeur de taxi qu’elle avait arrêté pour avoir roulé sur une ligne blanche. «Il m’a dit qu’il allait me donner une malédiction et que je mourrai comme un chien.» Elle a également gardé la tête froide, non sans avoir verbalisé le malotru. Pour ce qui est de la courtoisie, il faut aussi repasser. «Éna ou dir zot bonzour ek zot get ou fran dan ou lizié !»

Les deux femmes rappellent qu’elles ne font que leur travail qui est de faire respecter le code de la route. Leur message aux automobilistes : essayez de coopérer et de respecter les panneaux de vitesse pour diminuer le nombre d’accidents. «Des femmes ont été mises sur la route afin de conscientiser le public». Et de rappeler, «en cas d’accident, ce sont des parents qui peuvent trouver la mort. Et leurs enfants, par conséquent, deviennent des orphelins...»