Sécurité Routière : on a (Essayé) de Suivre un Motard de la Police

8 years, 4 months ago - 7 December 2015, lexpress.mu
Sécurité Routière : on a (Essayé) de Suivre un Motard de la Police
Le soleil s’est réveillé il y a une heure à peine. Au niveau des yeux, les stores sont toujours à moitié baissés, quelques crottes d’yeux encore bien encastrées. C’est que, voyez-vous, pour prendre un motard de la police en filature, il faut se lever aux aurores. Pour le démarrage en trombe, c’est raté.

Direction Port-Louis, la capitale des policiers à moto. À Pailles, on en aperçoit un sur la route. On est chaud pour une course-poursuite. Douche froide. Après deux minutes d’hésitation, le deux-roues, son occupant et sa sirène éteinte mais gigotante slaloment entre les véhicules, condamnés à faire du surplace, coincés dans le trafic. En un battement de cils, Ghost Rider, lui, s’envole vers d’autres cieux.

Changement de tactique. Séance de poireautage devant le «nid», le QG des chevaucheurs fantastiques : les Casernes centrales. Testons les vertus de la patience. Soudain, un as du guidon sur sa «Harley» Made in Japan fait son apparition. En route pour une virée.

«Motocop» à l'action

Les pieds bien calés, les lunettes de soleil bien en vue, le casque bien attaché, le motard et sa moto pètent le feu. Sauf qu’il s’arrête quelques mètres à peine plus tard. Histoire de «donn signal» aux automobilistes ou chauffards, pour beaucoup pressés et en retard.

Mission d’observation. MotoCop et ses bottes de Rambo ont la classe. Pas le temps de tergiverser, il y a la circulation à fluidifier, il s’y met. Ses bras s’agitent, la Robodance n’est pas encore passée de mode. Sauf que sa dancefloor à lui, c’est le bitume. Les doigts transmettent des ordres bien articulés, ils ont vite fait de trouver leur vitesse de croisière.

Pour compenser le manque d’action, il aurait fallu être en mesure de coller aux basques d’une escorte accompagnant un homme politique ou autre VIP. Veuillez noter que nous avons bien essayé, mais que les motards et le cortège avaient disparu à l’horizon avant même que nous n’ayons eu le temps de démarrer.

Le caporal Roghbeer en roue libre

Dix ans depuis qu’il a rejoint la Traffic Branch. Et il enfourche, pratiquement chaque matin, sa monture métallique. Le quotidien du caporal Roghbeer – matricule CPL 4911, tient-il à préciser – est loin d’être morose.

Dès 6 h 45, l’homme, très à cheval sur la discipline, est en selle. À 7 heures tapantes, «nou al donn signal lor simé». Ses collègues et lui quadrillent en fait le terrain à Port-Louis, plus précisément au niveau de l’autoroute, à partir de Grewals jusqu’au rond-point du Quai D, entre autres. «Le plan est fait la veille et chacun sait où exactement il doit se rendre.» Puis, entre 10 et 13 heures, place aux patrouilles, il avale les kilomètres avant le déjeuner et la pause. À 14 h 45, les choses sérieuses reprennent. «Kuma éna enn problem, nou paré pou intervénir.»

Patience et discipline

Ne craint-il pas, justement, de devoir subir une intervention chirurgicale à force d’agiter les bras pendant des heures ? Pas du tout, rétorque le policier. C’est tout simplement une question d’habitude. D’ailleurs, pour ce qui est des biceps et des triceps, ça aide à les maintenir en forme. Fait-il aussi appel à ses muscles saillants quand il s’agit de manier sa «bête» ? La moto, précise-t-il, pèse entre 125 et 200 kilos. «Éna enn teknik spesyal ki servi pou lev li kan li tonbé, pou pa bless lerin…» Qu’en est-il des «doberman», des automobilistes atteints de «road rage» ? Lui a-t-on déjà écrasé les pieds ? «Non ! Contrairement à ce que l’on peut penser, la plupart sont disciplinés, surtout ceux qui empruntent les rues de la capitale.» Sans doute sont-ils habitués à prendre leur mal en patience, ajoute-t-il.

De la patience, il lui en faut également, pour faire face aux accidents, aux bagarres et autres urgences. Ce qui le motive, c’est «lamour pou sa metyé la». Mais aussi le contact avec le public.

N’empêche que certaines mauvaises langues, allergiques aux poids lourds, prétendent qu’il y a un «laisser-aller» au niveau des camions, notamment. Qu’en est-il ? «Non. Nous n’avons pas peur de les arrêter ou de les contrôler, même s’ils sont impressionnants, à côté de la ‘petite’ moto…»

Enfin, son uniforme de rider, il le range une fois à la maison, lorsqu’il termine son service, à 18 heures. Pour mieux repartir, de vive allure, le lendemain.

Des automobilistes embrayent

Pour du «motard bashing», il faudra repasser. Les personnes interrogées sont, pour la plupart, «satisfaites » du travail abattu par les policiers à moto, qui leur inspirent du «respect». Hormis «bann seki eskort bann gran minis la»

Graig Grace, 27 ans

«Les motards sont les seuls policiers que je respecte ! Ils ont un ‘standing’. Il y en a toute de même qui font parfois de l’excès de zèle quand ils escortent des VIP et cela a le don de m’irriter.»

Darina, 28 ans

«Zot amerd mwa. Zot fer seki zot anvi, roul kouma zot anvi, éna fer foutan. La plipar di tan, zot blok la rout olyé deblok li.»

Garry Leung, 32 ans

«En général, ils sont assez professionnels, même s’il y en a certains qui abusent de leur pouvoir, comme ceux qui escortent les cortèges ministériels. Mais je pense que les motards de la police font bien leur travail et qu’ils méritent notre respect.»

Questions à Mohit Ramah, chef inspecteur à la Traffic Branch

>Quel est le nombre de motards impliqué dans des accidents ?

Nous n’avons pas le chiffre exact. Mais il y en a trois ou quatre qui ont perdu la vie au cours des quatre dernières années.

>Les limitations de vitesse s’appliquent-elles aux motards de la police ?

Non. Il faut garder en tête le fait que nous intervenons en cas d’urgence. La loi permet ainsi aux pompiers, aux ambulanciers et donc aux policiers de faire fi des limitations. Je tiens toutefois à rappeler aux motocyclistes que, pour eux, la limite est de 80 km/h sur l’autoroute et de 60 km/h ailleurs.

Pour en revenir aux motards de la police, des membres du public maintiennentque certains «fer rally» ou slaloment entre les véhicules même quand il n’y a rien de bien pressé…

Les motards de la police, comme tous les autres policiers d’ailleurs, sont là pour faire respecter la loi certes, mais aussi pour donner le bon exemple. Si ena pé fané, pran zot niméro plak, raport zot.

>Combien de «bikers» compte la force policière ?

Il y en a 225 qui sont opérationnels, en comptant les éléments féminins. Je vous parle là de ceux qui effectuent des «traffic duties» et non de ceux qui sont rattachés à la Very Important Person Security Unit ou à la Central Investigation Division, entre autres.

>Reçoivent-ils une formation spéciale ?

Bien entendu. Ils reçoivent une formation poussée, appelée «operational driving» qui dure une semaine au minimum.

>Quelles sont leurs fonctions ?

Ils régulent le trafic, escortent les personnalités importantes ou des convois exceptionnels, notamment. Les motards interviennent également dans des cas d’urgence, quand il y a un accident, par exemple. Ils s’occupent également d’effectuer des alcootests et de distribuer des contraventions.