Services Publics : Taxis Opérant Hors de Leur Rayon d’Opération

11 years ago - 25 March 2013, The Défi Media Group
Services Publics : Taxis Opérant Hors de Leur Rayon d’Opération
Il y a un endroit où les taxis ne transportent jamais les passagers de leur rayon d’opération. Découvrez-le avec le récit suivant.

Vallée-des-Prêtres, le matin, aux heures de pointe. Alors que les passagers se pressent pour se rendre à leur travail et cherchent un taxi-train, ils remarquent que certains taxis descendent vers le centre de Port-Louis sans prendre aucun passager. C’est le même scénario dans l’après-midi quand ces taxis rentrent au garage. Pourtant, le rayon d’opération indiqué sur ces taxis est ‘Vallée-des-Prêtres’.

« Le matin, on est tous pressés. Vous voyez venir un taxi, vous lui faites un signe de la main. Mais le chauffeur ne s’arrête pas alors que la voiture est vide. Il regarde tout droit devant lui, comme s’il ne vous a pas vu. Sur la vignette est indiqué : Vallée-des-Prêtres. Il descend vers le centre de la capitale sans prendre aucun passager qui cherche un taxi-train, parce que lui, il n’est pas un ‘taxi-train’, mais un taxi qui effectue des courses dans le centre de Port-Louis », témoigne un usager.

Sur une soixantaine à détenir un permis de taxi à Vallée-des-Prêtres, ils sont plus d’une dizaine à ignorer les passagers de la localité chaque matin et même l’après-midi, avance un chauffeur de taxi qui dessert tous les jours la ligne Vallée-des-Prêtres – gare du Nord.

« Est-ce parce que leurs voitures sont trop luxueuses pour qu’ils ne veuillent pas s’arrêter pour embarquer des passagers qui cherchent un taxi-train ? S’ils ne veulent pas desservir les passagers de l’endroit, pourquoi est-ce que cet endroit est mentionné comme leur lieu d’opération ? Comment ont-ils obtenu leur permis ? » dit un autre passager.

Le trajet Vallée-des-Prêtres – gare du Nord coûte Rs?22 par bus ou par taxi-train. D’ordinaire, les taxi-trains desservent la localité de 6 heures du matin à 16h15, après une pause entre 10 et 14 heures. Ils préfèrent cesser les activités après la fermeture des bureaux parapublics. Beaucoup de fonctionnaires ont recours à ces taxi-trains.

Ces dernières dix années, le nombre d’habitants a considérablement augmenté à Vallée-des-Prêtres après le morcellement de plusieurs terrains et la construction d’appartements de la NHDC.

Raffick Bahadoor : « Les chauffeurs de taxi manquent de formation »

Un taxi avec un rayon d’opération affiché est-il tenu à desservir d’abord les habitants de la localité ? « Rien n’oblige à un taxi de s’arrêter en cours de route quand un voyageur lui fait un signe de la main. Le chauffeur peut présenter plusieurs arguments comme excuse. Par contre, c’est différent quand vous vous rendez sur une place de taxis et que le chauffeur refuse d’effectuer la course alors que vous êtes disposé à payer le tarif », explique Raffick Bahadoor, président de l’Association des chauffeurs de taxi.

Il reconnaît cependant que rien n’empêche le chauffeur de s’arrêter, même si ce n’est pas un taxi-train, et d’embarquer des passagers pour les déposer dans le centre de la capitale, étant donné que c’est sur son trajet. « Tout est une question de mentalité. Le taxi qui opère dans la capitale pourra, s’il le veut, empocher Rs 88 le matin quand il sort du garage et le même montant quand il rentre dans l’après-midi. Rs 176 par jour au lieu de descendre vide et de revenir vide, juste parce qu’on n’est pas un taxi-train », dit-il.

« Les permis de taxi ont été accordés à n’importe qui. Si aujourd’hui certaines personnes dénoncent la politique de petits copains, elles ont parfaitement raison. Nous nous sommes maintes fois plaints auprès du ministre concerné », dit-il.

« Un chauffeur de taxi devrait être un vrai professionnel. Et pour qu’il le soit, il faudrait qu’il obtienne une vraie formation », poursuit le président de l’Association des chauffeurs de taxi. Il suggère que l’apprenti suive un cours de six mois au Mauritius Insitute of Training and Development (MITD). Il propose que sa formation soit assurée par toutes les instances qui ont un lien avec la route et le service routier (National Transport Authority, Traffic Branch, la police, l’Office du tourisme, etc.). Une fois les cours terminés, l’apprenti fera une demande pour un permis de Private Car auprès de la Traffic Branch, avant de faire une demande pour un permis de taxi auprès de la National Transport Authority.

« Alors seulement on pourra dire qu’il a obtenu une formation de chauffeur. Il aura vraiment appris ce que c’est d’être au service du public. En même temps, il aura aussi appris à s’habiller en fonction de sa profession. Aujourd’hui, on voit des chauffeurs qui roulent avec une tenue débraillée, avec des savates éponge aux pieds. Est-ce l’image que veut projeter le gouvernement qui ambitionne de recevoir deux millions de touristes par an ? » se demande Raffick Bahadoor.

Formation des chauffeurs de taxi par les hôtels

M. Bissessur de la National Transport Authority dit que les chauffeurs de taxi qui opèrent pour les grands hôtels sont formés par ces établissements. Il déplore qu’un programme de formation annoncé pour les apprentis chauffeurs de taxi par l’ex-Industrial and Vocational Training Board (IVTB) n’ait jamais vu le jour. « Cependant, comme le gouvernement viendra prochainement avec un cours de formation pour les chauffeurs de poids lourds, ce serait bien d’en avoir pour les chauffeurs de taxi afin de mieux les former en ce qu’il s’agit de leur rapport avec les membres du public », déclare-t-il.

Alain Jeannot : « La compétition pourrait favoriser un meilleur service »

Alain Jeannot, président de Prévention routière avant tout (PRAT), est d’avis que la compétition pourrait favoriser une meilleure relation entre les chauffeurs de taxi et les clients.

« Il y a une différence d’attitude entre un chauffeur qui opère pour son propre compte et celui qui travaille pour une compagnie. Celui qui est employé est plus tenu à respecter les normes imposées par son employeur en matière de comportement et de dévouement envers les clients », estime-t-il. « Par contre, celui qui roule pour son propre compte peut toujours afficher une attitude hautaine ou un manque de courtoisie envers un membre du public qui cherche un taxi. Dans ce cas, le client pourra toujours choisir entre un taxi dans lequel il est bien traité et un autre où le comportement du chauffeur laisse à désirer.

D’où la nécessité, je pense, d’introduire des cours de formation pour tous les chauffeurs, sans exception », dit-il. Pour le président de PRAT, l’attitude du chauffeur peut aussi avoir un lien avec l’insécurité. S’il ne se sent pas en sécurité dans l’endroit indiqué comme son rayon d’opération, il préfèrera toujours aller rouler ailleurs.

Et s’il se sent mal à l’aise, cela affectera sa relation avec celui qui monte dans son taxi. Dans ce domaine, Alain Jeannot pense qu’on pourrait peut-être introduire le concept qu’on voit à l’étranger, c’est-à-dire l’instal-lation d’un écran protecteur entre le chauffeur et le client. Le chauffeur, se sentant protégé dans sa cabine, est bien plus détendu et il est donc bien moins agressif envers le client. « L’attitude des chauffeurs découle aussi d’une responsabilité individuelle. Certains sont bien élevés et plus responsables, d’autres moins », fait-il observer.