Un appel urgent pour restaurer leur dû et leur dignité

3 weeks ago - 6 May 2025, lexpress.mu
Un appel urgent pour restaurer leur dû et leur dignité
Depuis plusieurs années, une injustice profonde continue de ronger le moral de nombreux policiers : ceux qui, ayant fait l’objet d’une enquête, d’une suspension ou d’un cas en cour sans être reconnus coupables, ont vu leur carrière injustement freinée. Pourtant, des recommandations existent pour corriger ces situations, mais elles tardent encore à être appliquées.

Traditionnellement, dans la fonction publique, lorsqu’un fonctionnaire est promu, la date effective de sa promotion est celle à laquelle il assume ses nouvelles fonctions. Mais quand un fonctionnaire est suspendu ou sous enquête lors d’un exercice de promotion, il n’est pas promu. Ses collègues, parfois juste derrière lui dans l’ordre de mérite, obtiennent leur avancement à sa place. Plus tard, une fois blanchi, ce fonctionnaire est promu au prochain exercice, mais seulement à partir de la date de prise de fonction, ce qui le laisse définitivement derrière ses camarades et impacte toute la suite de sa carrière.

Conscients de cette injustice, plusieurs fonctionnaires ont saisi le Public Bodies Appeal Tribunal (PBAT) pour réclamer la restauration de leur position de séniorité. Si le PBAT a reconnu l’injustice, il ne s’est pas prononcé en leur faveur en raison des règlements existants. Face à cette impasse, des plaintes ont été faites auprès du Pay Research Bureau (PRB) et du ministère de la Fonction publique. Dans son rapport de 2016 (para 11.23 à 11.27), le PRB a recommandé qu’en de tels cas, la date de promotion pour le placement en ancienneté corresponde à celle de leurs collègues du même batch, tout en conservant la date effective réelle pour la rémunération. Cette approche vise à garantir que leur parcours de carrière ne soit pas durablement pénalisé.

La police, au vu de la nature sensible de ses fonctions, est particulièrement exposée à ces situations. De nombreux policiers victimes de ces irrégularités demandent aujourd’hui avec insistance que leur dû soit restauré. Mais malgré la recommandation claire du PRB, leur situation reste bloquée. Le Police Headquarters (PHQ) s’était alors opposé à l’application de cette mesure aux policiers, avançant que toute promotion dans la force policière serait de type class-to-class et non grade-to-grade. Or, selon le Human Resource Management Manual du ministère de la Fonction publique, la promotion grade-to-grade s’applique aux policiers : il s’agit d’une montée en grade dans la même hiérarchie, avec des responsabilités accrues mais de même nature.

Lors d’une réunion de conciliation le 26 juillet 2022, en présence du président du PBAT, du HR Manager de la police, de représentants du Police Fighters’ Union, du PRB et du ministère de la Fonction publique, il a été confirmé sans ambiguïté que les promotions dans la police sont bel et bien de type grade-to-grade. Le Standing Order de la police affirmant le contraire a été jugé erroné. Le président du PBAT a même demandé au PHQ de solliciter un avis du Parquet – ce qui n’a jamais été fait. L’ancien commissaire de police a continué à nier l’application de la mesure, sans fondement juridique, allant même jusqu’à donner une réponse trompeuse à l’Assemblée nationale lors d’une question parlementaire.

Il est crucial de rappeler que cette recommandation du PRB avalisée par le Cabinet ministériel vise à réparer une injustice, à respecter le principe constitutionnel de présomption d’innocence et à permettre aux fonctionnaires victimes de retrouver leur juste place sans que leur carrière ne soit brisée. Pour les policiers concernés, il ne s’agit pas seulement d’une question de carrière, mais de justice et de dignité. Beaucoup ont été affectés psychologiquement, certains ont quitté le service par amertume. Ceux qui sont encore en poste réclament qu’avant tout nouvel exercice de promotion, un audit soit effectué pour rectifier les injustices passées.

Ces policiers demandent que cette correction soit étendue non seulement aux victimes post-2016, mais également à ceux ayant souffert de cette pratique avant la publication du rapport PRB 2016. «Le gouvernement, qui s’est engagé à promouvoir la justice et l’équité, a aujourd’hui une opportunité en or de concrétiser ses promesses : restaurer la dignité de ces policiers en appliquant pleinement les recommandations du PRB, avec équité et transparence. Il est temps de mettre fin à ce déséquilibre pour que les hommes et femmes en uniforme, qui consacrent leur vie à servir et à protéger, puissent eux aussi être protégés contre l’injustice administrative»,souligne un policier qui est toujours dans l’attente.