Veekram Bhunjun, CEO de Betamax : «À Quel Prix la STC Paiera le Fret à Ses Nouveaux Prestataires Etrangers ?»

9 years, 10 months ago - 12 February 2015, lexpress.mu
Veekram Bhunjun, CEO de Betamax
Veekram Bhunjun, CEO de Betamax
Le CEO de Betamax a fait servir une mise en demeure à la STC lui sommant de respecter ses engagements contractuels. C’est à travers une agence de communication qu’il a répondu aux questions rédigées par l’express.

> Maintenant que le gouvernement a officiellement informé Betamax de la résiliation du contrat et a annoncé que le dossier sera soumis à la police pour une enquête criminelle, quelle sera la marche à suivre au niveau de la compagnie ?

Il semble que faire preuve de vision, d’innovation et prendre des risques considérables pour répondre aux besoins du pays est un crime. Je comprends que le gouvernement a besoin de faire ses preuves au plus vite, mais est-ce vraiment une excuse pour renier ses obligations légales et contractuelles ? Tous les entrepreneurs locaux doivent-ils désormais craindre un procès et une humiliation publique dans la presse ?

Quoi qu’il en soit, nous attendons encore une quelconque notification de la police puisque nous ne savons même pas qui sera concerné par une éventuelle enquête et pour quelle raison. Si les autorités viennent vers nous, nous collaborerons pleinement avec elles.

Je dois aussi dire que nous sommes des entrepreneurs qui avons beaucoup contribué à l’économie mauricienne. Nous sommes choqués par la manière de faire du gouvernement qui, du jour au lendemain, décide de renier ses engagements commerciaux. Et cela sans même que nous ayons pu expliquer notre position.

Nous craignons d’ailleurs que l’attitude du gouvernement n’entache la bonne réputation de Maurice auprès des investisseurs et institutions internationaux. Par exemple Betamax est le fruit d’un partenariat avec le plus grand groupe singapourien de gestion de tankers – qui gère la flotte de géants du pétrole tels que BP et Shell – et notre partenaire s’est dit particulièrement choqué de cette situation.

> Betamax compte-t-elle engager une bataille légale contre la STC pour rupture de contrat ?

Nous maintenons que le contrat est parfaitement légal. Nous avons déjà enclenché des procédures pour revendiquer nos droits contractuels : nous avons fait servir une mise en demeure à la STC le jeudi 5 février lui demandant de respecter ses engagements.

> Le ministre des Services financiers, Roshi Bhadain, accuse formellement Betamax de vice de procédure légale et de violation des dispositions de la Public Procurement Act. Qu’avez-vous à répondre ?

Il y a quelques semaines, nous avons entamé des discussions avec le comité interministériel autour du coût du fret et d’autres clauses commerciales, tout en réservant nos droits contractuels. Néanmoins, lors de ces discussions, ni la STC ni le gouvernement n’ont défini de manière formelle ce qui est, selon eux, un coût de fret «raisonnable». Ce n’est que lorsque nous avons soumis au comité interministériel les chiffres prouvant que le coût par tonne métrique facturé par Betamax est inférieur au prix du marché que le comité a évoqué l’illégalité présumée de ce contrat. Or, s’il est réellement «illégal», pourquoi cela n’a-t-il pas été évoqué depuis le début ?

Selon moi, le comité interministériel a été induit en erreur et je suis prêt à en discuter directement avec le Premier ministre et le ministre des Finances.

Pour notre part, nous maintenons que ce contrat est parfaitement légal et valide et que ces obligations lient la STC et Betamax. Il a été fait en suivant un processus légal et, au moment où il a été signé, la STC était exemptée de la Public Procurement Act. Cette exonération concerne d’ailleurs plusieurs organes statutaires, notamment le Central Electricity Board, l’Agricultural Marketing Board, l’Independent Commission Against Corruption et le Mauritius Examinations Syndicate, pour des processus d’achat spécifique.

En tant qu’entreprise privée, nous n’avons aucune influence  sur le fonctionnement interne de la STC, du State Law Office et du gouvernement. Nous ne pouvons influer sur les lois et encore moins les faire modifier en notre faveur. De ce fait, nous n’avons rien à nous reprocher.

> Revenons à cette «Waiver of Immunity» entre Maurice et Betamax. Selon le gouvernement, cette clause réduit l’État souverain à une entité commerciale et expose les «assets» de l’État aux risques de saisie par une compagnie dont les actionnaires sont étrangement des Mauriciens. C’est du jamais vu...

Pas du tout. Lorsqu’un État agit en sa capacité commerciale, comme il le fait souvent à Maurice et ailleurs, lorsqu’il garantit les obligations de corps parapublics, il ne peut se prévaloir de son immunité. Il s’agit d’un principe de droit qui ne souffre d’aucune discussion. Les dispositions du contrat sur la waiver of immunity ne font que confirmer ce principe. Ce type de clause est très commun dans le monde. À Maurice, on le retrouve dans les contrats d’envergure, par exemple dans les contrats des Independent Power Producers.

> La STC relève dans le Contract of Affreightment (COA) plusieurs faiblesses dont celle relative au fret payé à Betamax pour ses navires. Or, le coût du fret, selon la STC, n’est pas basé sur les indices des marchés internationaux, mais est simplement décidé suivant la formule de fret stipulée dans le COA et s’appliquant au pétrolier Red Eagle. Ce qui  fait que la société gagne dans tous les cas de figure vu qu’à partir de 2008 le coût du fret a baissé avec la crise économique mondiale…

Le prix du fret est dicté par l’offre et la demande. Plusieurs facteurs entrent en jeu lors du calcul du coût du fret maritime : la route empruntée, la disponibilité et la capacité du navire, le type de chargement, les taxes portuaires et le coût du ravitaillement en carburant pour le navire, entre autres. Néanmoins, Maurice se trouve en dehors des routes maritimes répertoriées par les principaux indices mondiaux et ceux-ci n’ont qu’une incidence mineure sur le coût du fret pour Maurice.

Le coût initial du fret par tonne proposé par Betamax en 2009 était inférieur au prix obtenu par la STC suivant des appels d’offres, avant l’entrée en vigueur de notre contrat. À l’époque, le pays était approvisionné par deux compagnies étrangères d’affrètement, l’une se chargeant de transporter le carburant black et l’autre le white.

Si nous comparons le prix du fret à la tonne proposé par Betamax à ceux pratiqués sur le marché aujourd’hui, il s’avère que le prix de Betamax est toujours moins élevé.

En outre, le prix du fret proposé par Betamax a deux composantes, l’une fixe et l’autre variable. La composante variable inclut des facteurs tels que le bunkering (le ravitaillement du bateau). Si le coût du bunkering dans le monde baisse, le prix de Betamax baisse aussi. C’est d’ailleurs le cas actuellement.

> Comment expliquez-vous que le pétrolier Red Eagle est loué avec des charges payées intégralement chaque année sur une durée de 15 ans, soit une somme de 52 000 dollars américains par jour ? Et cela, qu’il transporte ou pas des produits pétroliers, c’est-à-dire qu’il fasse le voyage jusqu’à Mangalore sans aucune cargaison ou qu’il reste inactif en attendant de charger une cargaison...

La STC et Betamax ont, d’un commun accord, convenu du chiffre de 52 000 dollars par jour lors des négociations avant la signature du contrat. Ce chiffre a été calculé en se basant sur le prix payé par la STC dans le passé pour le ravitaillement et les redevances portuaires. Dans notre contrat, le montant par tonne métrique est de 17,10 dollars, en se basant sur le fait que le Red Eagle peut transporter chaque année 1 029 239 tonnes métriques de produits pétroliers, soit 64 327 tonnes métriques par voyage.

À la base, notre navire a été conçu pour transporter 1 072 000 tonnes métriques de produits pétroliers par an, lors de 16 voyages, soit 67 000 tonnes métriques par voyage. Cela, en supposant que la STC utilise de manière optimale la capacité du navire et en prenant en compte la profondeur de 14,5 mètres du New Oil Jetty. En ajoutant les frais de ravitaillement et les frais portuaires, nous arrivions à un total de 24,13 dollars par tonne métrique au départ.

En comparaison, la STC payait un taux de fret moyen de 24,40 dollars par tonne métrique aux précédents pourvoyeurs, avant l’accord avec Betamax. De plus, ce chiffre se compare favorablement au taux de fret pratiqué ces dernières années.

Par ailleurs, tous les navires qui approvisionnent Maurice en carburant ou quelque autre denrée peuvent repartir de la région avec les cales remplies d’autres produits une fois leur livraison effectuée, rentabilisant ainsi leur trajet. Prenons l’exemple d’un taxi qui fait le trajet Port-Louis-Rose-Hill pour déposer un passager. Afin de rentabiliser son voyage du retour, le chauffeur du taxi prendra certainement un nouveau passager pour le trajet de Rose-Hill à Port-Louis.

Or, le Red Eagle est un navire spécifiquement dédié aux besoins de la STC et il ne peut faire le voyage vers la raffinerie qu’avec une cale lestée d’eau, alors que nos charges restent les mêmes.

Faisons une autre analogie avec un parent qui a décidé d’envoyer son enfant à l’école dans un van privé. Le parent doit verser la somme due au transporteur chaque mois, que l’enfant soit à l’école ou en vacances. Cela, parce que les charges du transporteur restent les mêmes, que l’enfant aille à l’école ou non. Il doit toujours payer son personnel et ses autres frais…

> La STC se plaint qu’au final sous le contrat signé avec Betamax, elle a payé 11 millions de dollars de plus chaque année (soit Rs 355 millions) pour le transport de ses produits pétroliers de Mangalore jusqu’à Port- Louis. Comment réagissez- vous à ces chiffres ?

Ce sont des chiffres avancés par Megh Pillay et nous ne savons pas du tout comment il est arrivé à cette conclusion. Nous l’invitons à venir nous expliquer son calcul, sachant que la STC et le gouvernement sont en présence de plusieurs rapports certifiant que le prix proposé par Betamax était compétitif en comparaison avec les prix payés par la STC. D’ailleurs je me demande à quel prix la STC paiera le fret à ses nouveaux prestataires étrangers et pourquoi les entreprises mauriciennes n’ont pas été contactées pour un appel d'offres…