Victimes colatérales du Covid-19—Le cri de détresse des chauffeurs de taxi

4 years, 6 months ago - 6 May 2020, Le Mauricien
Victimes colatérales du Covid-19—Le cri de détresse des chauffeurs de taxi
Raffick Bahadoor : « L’absence d’un Taxi Operators Welfare Fund est impardonnable »

« Un traumatisme sans précédent. » Les mots de Raffick Bahadoor, président de la Taxi Proprietors Union (TPU), sont forts, mais reflètent la situation que traverse actuellement les chauffeurs de taxi durant cette période de baisse d'activités. Ceux dont les courses se limitent aux trajets menant vers les aéroports et les hôtels disent subir d'énormes pertes financières et craignent de ne « pas pouvoir se relever après cet épisode ».

La pandémie met en péril le gagne-pain des propriétaires de taxi et l'avenir semble s'assombrir pour ce secteur fragilisé depuis plusieurs années déjà par la concurrence déloyale des taxis marrons. « Seul un tiers de ces chauffeurs continue d'exercer leur activité pendant le confinement. Les autres se retrouvent au chômage technique », affirme Raffick Bahadoor.

Il est 13 heures en ce jeudi 30 avril. Vijay, un chauffeur de taxi de 51ans, fait le pied de grue devant le supermarché Winner's, à Port-Louis. Il espère au mieux faire deux à trois allers-retours jusqu'à 17 heures, l'heure à laquelle les commerces ferment durant le couvre-feu. « En temps normal, au même endroit, je me faisais quotidiennement un montant avoisinant les Rs 4000. Or, depuis pratiquement un mois, la recette oscille entre Rs 400 et Rs 800. Le pire c'est de devoir travailler avec la crainte de contracter le virus et le transmettre à mon épouse qui est diabétique », regrette Vijay qui, faute de client, s'en va désinfecter sa voiture de fond en comble.

L'arrêt des activités touristiques est synonyme de crise financière sans précédent pour les propriétaires de taxis opérant exclusivement pour les hôtels. « Le tourisme est notre moteur, sans lequel nous allons périr », nous confie Naden Naieck, qui exerce comme chauffeur de taxi à l'hôtel Westin Turtle Bay Resort & Spa, à Balaclava. Le quinquagénaire est désespéré dans la mesure où il n'a d'autres choix que de se terrer chez lui depuis plus d'un mois. « Nous avons été les premiers, un mois avant l'instauration du confinement, à être confrontés à un arrêt total de revenus, car la plupart des pays européens avaient déjà mis en arrêt le trafic aérien chez eux. » Certes, en tant que travailleur indépendent, Naden Naieck a bénéficié des Rs 5100 octroyées par le gouvernement prévues dans le Wage Support Scheme aux opérateurs du secteur informel pour la période de confinement jusqu'au 15 avril, mais « cette somme est loin d'alléger mon fardeau. Mon désespoir vient de la responsabilité qui m'incombe de financer le mariage de ma fille unique prévu pour le 12 juillet. C'est toute une décennie de dur labeur qui part en fumée », raconte notre interlocuteur.

Raffick Bahadoor parle de « mauvaise décision » du gouvernement d'avoir privilégié l'octroi d'une subvention de Rs 100 000 aux propriétaires de taxi pour l'acquisition d'un nouveau véhicule, au détriment d'un Taxi Operators Welfare Fund. « Cette crise et ses conséquences désastreuses pour notre secteur prouvent que j'avais raison de fustiger cette forme de paiement unique préconisée par Pravind Jugnauth pour appâter les chauffeurs lors de la dernère campagne éléctorale, alors qu'un Taxi Operators Welfare Fund aurait été plus judicieux. Cela aurait permis en cette période de crise à des dizaines de milliers de familles de bénéficier jusqu'à Rs 100 000 chacune pour alléger leurs peines. C'est impardonnable, car gouverner c'est prévoir, et il est clair que le gouvernement a failli à sa tâche », dit le président de la TPU, qui lance un appel au ministre des Transports Alan Ganoo afin de remédier à la situation.