CNT : Bus « Scolaires », Pomme de Discorde entre Collégiens et Travailleurs du Transport

il y a 10 années, 9 mois - 21 Juillet 2013, Le Mauricien
CNT : Bus « Scolaires », Pomme de Discorde entre Collégiens et Travailleurs du Transport
Pas moins de 144 bus de la CNT sont mis à la disposition des étudiants à travers le pays, dont 25 rien que dans le Sud. Si cette initiative vise à simplifier la vie des collégiens, elle est toutefois source de conflits.

Tandis que les travailleurs du transport s’indignent des « abus » de la gratuité du transport, les étudiants, eux, déplorent la qualité du service…

Le concept du bus scolaire est une facilité pour les étudiants et un apaisement pour leurs parents. Mais dans les faits, les collégiens du Sud font entendre un autre son de cloche. Ces derniers reprochent ainsi à la CNT sa qualité de service.

Christophe Montocchio, étudiant dans cette région de l’île, déclare ainsi que les bus « scolaires » n’ont pas d’heure fixe. « Parfois, le bus passe trop tôt ou trop tard. Donc, les étudiants sont contraints de prendre les bus publics », dit-il, avant d’ajouter avoir déjà été victime de problèmes techniques. « Une fois, alors que nous avions examen, le bus est tombé en panne à trois reprises. On a dû attendre afin d’avoir un bus. Du coup, on est arrivé en retard pour l’examen », relate Christophe. 

Une expérience que Jean-Pierre Jérome, voyageant de Rivière-Des-Anguilles à Curepipe, a aussi vécu. À un détail près : il a dû changer de bus... quatre fois. Selon ce dernier, le nombre de places limitées des bus scolaires incite beaucoup d’élèves à opter pour les autres bus. « Certains étudiants ne prennent pas le bus car ils sont trop remplis », déclare-t-il.

Contrôleurs soudoyés

Un avis que partage Pravesh (nom fictif). Cet étudiant de Saint-Joseph affirme que certains élèves sont forcés de prendre les autres bus. « On est super coincé dans les bus scolaires. Parfois, on peut être plus d’une soixantaine d’étudiants dans le bus. » Une situation dont il a déjà parlé aux responsables de son école. « On en a déjà parlé à notre rectrice. Elle nous a promis de remédier à la situation, mais sans grand résultat. » De plus, ajoute-t-il, certains contrôleurs sont « soudoyés » par des élèves qui fument. « Les élèves qui fument dans le bus achètent les contrôleurs avec des cigarettes, dit-il. Mais tous ne sont pas à mettre dans le même panier. Certains contrôleurs leur demandent d’arrêter de fumer. »

Un moteur qui explose

Marina Benoit confie quant à elle devoir se presser après les cours afin de monter dans le bus d’école car ce dernier part avant... 14h30. « Il ne nous attend pas », déclare-t-elle. Elle soutient aussi que ces véhicules sont souvent victimes de problèmes techniques. « Un jour, le bus scolaire est tombé en panne à Rivière-des-Galets. Ce n’est qu’à 7h45 qu’on a attrapé le bus à Souillac. Le problème, c’est que l’école ouvre ses portes à 8 heures. Sans compter que le nouveau bus est lui aussi tombé en panne, cette fois à Rivière-des-Anguilles », narre-t-elle. Sa plus mauvaise expérience, c’est d’ailleurs dans le bus scolaire qu’elle l’a vécue. « Une fois, le moteur avait tellement chauffé qu’il a fini par exploser à Rivière-du-Poste. Une vapeur chaude se dégageait du moteur et elle s’est vite répandue dans le bus. Nous étouffions et nous avons dû évacuer au plus vite. »

Sollicité par Le Mauricien, la rectrice du collège Saint-Joseph dit avoir pris connaissance de ces problèmes. « Beaucoup d’élèves, du Sud surtout, arrivent à l’école en retard à cause des bus scolaires. » Un problème qui, accentue-t-elle, perdure depuis très longtemps. Elle dit d’ailleurs avoir évoqué le problème à la NTA. En vain, explique-t-elle. « Nous attendons toujours… » !

Du côté des services de transports, on ne l’entend pas de la même oreille. Poomindra Letchanna, représentant de la Transport Industry Workers Union (TIWU), estime pour sa part que les étudiants abusent de la gratuité du transport. « Beaucoup d’élèves ne prennent pas les bus scolaires le matin. Par conséquent, certains bus roulent avec quelques élèves. Et ce sont les travailleurs qui paient les pots cassés », déclare-t-il. Ce dernier est d’avis que les étudiants préfèrent « se promener en bandes » en ville au lieu de prendre les bus scolaires afin de rentrer chez eux. « Ils vont se promener en ville avec leurs amis au lieu de prendre le bus scolaire. Ce n’est que vers 16h30 qu’ils viennent à la gare. Il n’y a aucune discipline. Ils sont nombreux à boire et certains sont ivres morts dans le bus », fait-il ressortir.

Abus des étudiants

Pour notre interlocuteur, il revient aux autorités et aux parents de contrôler les étudiants. En tant que travailleur du transport, il dit ainsi avoir été témoin de plusieurs abus concernant la gratuité des bus. « J’ai vu des étudiants vivant à Chemin-Grenier s’arrêter à Souillac afin de se rendre à Telfair. Ils m’ont avoué avoir un ‘ptit programme’ la-bas. » Et ce n’est qu’un cas parmi tant d’autres, dit-il.

Cette situation, poursuit-il, pourrait être remédiée si le gouvernement exerçait davantage de contrôle sur les enfants. « Pourquoi ne pas promulguer une loi n’offrant le transport gratuit que sur le trajet de leur résidence à l’école ? Il devrait aussi être obligatoire que ceux-ci soient en uniforme pour bénéficier de ce service gratuitement », suggère-t-il.

Selon M. Letchanna, il est « impossible » que les élèves n’aient pas de place dans les bus scolaires, soutenant que 25 véhicules sont disponibles dans cette région de l’île. Il cite le cas de l’Hindu Girls College qui, dit-il, « a droit à quatre bus d’école ».

Enfin, au sujet des retards des bus scolaires, le représentant de la TIWU est catégorique. « C’est une accusation complètement fausse. Les enfants arrivent en retard à l’arrêt de bus. Ils disent à leurs amis de demander aux chauffeurs de les attendre. Comme on ne veut pas les pénaliser, alors nous les attendons. Sans compter les embouteillages, dont nous ne sommes pas responsables », lance M. Letchanna.

La TIWU est d’avis que ce conflit entre élèves et travailleurs du transport pourrait cesser si les deux parties arrivaient à « collaborer » ensemble. Pour rappel, le ministre de l’Éducation Vasant Bunwaree avait déclaré, après la grève de la CNT, qu’il investirait dans 65 autobus dédiés aux étudiants. La TIWU, elle, souhaite plus de précisions, notamment concernant la provenance desdits véhicules. Des informations qu’elle réclame d’ailleurs par écrit.