Ce projet de loi, qui vise à instaurer des changements stricts en ce qui concerne la conduite sur les routes, sera débattu soit vendredi, soit mardi 17 juillet.
Les premières indications, données par Pravind Jugnauth lors du Budget le 14 juin, ont vite fait polémique. Le Premier ministre et ministre des Finances a été clair: son gouvernement compte afficher une politique de «zéro tolérance» par rapport à la conduite en état d'ivresse. La population l'a pris au mot: aucune possibilité donc, de prendre un verre de vin ou une bière si on prend le volant. Et qu'en est-il des soirées arrosées la veille ?
Pendant plus d'un mois, les commentaires et critiques ont fusé de toutes parts. Zéro alcool dans le sang, est-ce réellement possible scientifiquement ?
Depuis vendredi dernier, l'Explanatory Memorandum de la Road Traffic (Amendment) Act donne un début d'explication. Le projet de loi affiche la volonté de «review the prescribed limit of alcohol concentration in the blood, breath and urine». Ce serait justement le plan du gouvernement. Revoir le taux d'alcool autorisé, soit 23 microgrammes (mcg) d'alcool par litre d'air expiré, à la baisse. Cela, en s'appuyant sur des législations qui existent à l'étranger.
Interrogé, un haut gradé de la police précise que rien n'est encore définitif à ce stade car les consultations se poursuivent entre la police et le State Law Office. Il avance toutefois que quand le projet de loi sera débattu, les amendements concernés seront prêts. Idem pour un cadre du ministère des Infrastructures publiques qui admet que le taux zéro d'alcool dans le sang pour un chauffeur est difficile à mettre en pratique, voire impossible, pour diverses raisons.
Ce dernier rejoint le raisonnement du Dr Vinod Ramkoosalsing, qui avance que sans la prise d'une goutte d'alcool, un chauffeur peut se retrouver avec un faible taux d'alcool. Pour beaucoup, Pravind Jugnauth aurait été «mal inspiré» en lançant cette phrase de «zéro tolérance pour l'alcool».
L'un d'eux est le député Jean-Claude Barbier. «Je suis pour une révision du taux d'alcool dans le sang, mais pas pour le zéro tolérance. Dans le civet de canard, il y a un pourcentage d'alcool. Imaginez que vous prenez le volant et la police après avoir consommé un tel menu et que la police vous arrête après quelques mètres pour vous soumettre à un alcootest.»
En attendant les amendements, le flou persiste. Même si les Mauriciens en faveur d'une révision du taux d'alcool dans le sang sont nombreux, ils disent un non catégorique à la politique de zéro tolérance.
Le chiffre
646 C'est le nombre d'automobilistes qui ont été testés positifs par la Traffic Branch et l'Emergency Response Service lors des contrôles routiers, de janvier au 31 mai. De janvier à décembre 2017, il y en a eu 1 449. Chiffres du service de presse de la police. Combien d'accidents mortels ont été causés par l'alcool au volant ? Ceux-ci ne sont pas répertoriés.
Vinod Ramkoosalsing: «Le corps humain produit de l'alcool»
Vinod Ramkoosalsing est consultant en psychiatrie à la Clinique du Nord. Il affirme que le taux zéro d'alcool dans le sang est pratiquement impossible. Dans chaque corps humain, un faible taux d'alcool est présent, soit 0,003 et 0,005 milligrammes par 100 millilitres de sang. L'alcool est produit dans l'intestin à travers des bactéries et aussi le carbohydrate. Certains sirops contre la toux, surtout ceux recommandés contre les flegmes, contiennent un taux d'alcool. La dose dépend du type de médicament.
Selon le psychiatre, telle que la législation existe, avec la consommation de deux canettes de bière ou deux topettes de whisky, un individu pourrait se retrouver avec un taux d'alcool supérieur à 23 milligrammes par 100 milligrammes de sang. Ce qui constitue un délit. Auparavant, la tolérance était de 80 milligrammes par 100 millilitres de sang, comme c'était le cas en Angleterre.
Vinod Ramkoosalsing avance que quelqu'un peut consommer de l'alcool et se retrouver avec jusqu'à 130 milligrammes dans 100 millilitres de sang au cours d'une soirée. Il part se coucher vers 23 heures et le lendemain, après un sommeil d'une durée de 8 heures, soit à 7 heures, il a récupéré tous ses réflexes. Il peut prendre le volant sans aucun danger. Or, huit heures après son dernier verre, environ 120 milligrammes d'alcool ont été dilués (à raison de 15 milligrammes chaque heure). Il se retrouve malgré tout avec 10 milligrammes d'alcool dans le sang, ce qui est punissable si le taux d'alcool au volant passe à zéro.
Le psychiatre estime que le gouvernement est mal inspiré d'introduire cette mesure de zéro tolérance. D'autant que l'alcool n'est pas le principal facteur des accidents de la route.
Ce que dit la loi hors de nos frontières
La mesure budgétaire visant à réprimer l'alcool au volant fait débat. Cependant, Maurice ne sera pas le premier pays à ne pas tolérer l'alcool au volant si jamais la Road Traffic Act est amendée.
Plusieurs pays ont déjà adopté une tolérance zéro par rapport à l'alcool au volant. Parmi eux, la Hongrie, la Roumanie, l'Estonie et la République tchèque. Une infraction peut entraîner le retrait immédiat du permis. En Afrique, la Lybie et les Comores ont déjà mis cette loi en application. En ce qui concerne l'Arabie saoudite, Brunei et l'Iran, l'alcool étant interdit, la législation n'existe pas.
En Europe, le taux oscille entre 0,2 gramme (g) à 0,5 g par litre de sang. La Pologne, la Norvège et la Suède font partie de cette première catégorie. À savoir 0,2 g représente moins d'un cocktail à base de liqueur ou une chopine de bière. De ce fait, ces pays sont considérés comme intolérants face à l'alcool au volant et l'amende peut aller jusqu'à 1 200 euros (Rs 49 176). En Allemagne et en France, la politique zéro tolérance pour les conducteurs qui détiennent le permis depuis moins de deux ans est appliquée alors qu'ailleurs, comme en Italie, le taux autorisé pour cette catégorie de conducteurs est de 0,2 g.
La France, l'Angleterre, l'Allemagne, l'Italie, la Belgique et la Grèce autorisent, eux, 0,5 g par litre de sang. Cependant, les sanctions varient. Si le retrait du permis est applicable dans tous les pays, les amendes ne sont pas les mêmes. Par exemple, en France, la pénalité pour moins de 0,8 g d'alcool dans le sang peut aller jusqu'à 750 euros (Rs 30 735) alors qu'en Angleterre, la personne peut payer jusqu'à £6 480 (Rs 300 348).
En Asie, le taux le plus élevé autorisé est 0,8 g par litre de sang. Ce taux est toléré à Singapour et en Malaisie. Ailleurs, comme en Chine et au Japon, le taux est de 0,2 g alors qu'en Inde, jusqu'à 0,3 g est autorisé. En Corée du Sud, à Taïwan et en Thaïlande, le taux est de 0,5 g. Cependant, pour les conducteurs de transports publics et les véhicules commerciaux, la Thaïlande pratique la politique de zéro tolérance.
En Chine, si le chauffeur en état d'ébriété fait un accident qui cause la mort d'une personne, il est passible d'une peine de mort. Alors qu'au Japon, les passagers sont aussi mis à l'amende.
En ce qui concerne les États-Unis, le taux pour les conducteurs de moins de 21 ans varie entre zéro et 0,2 g par litre de sang, dépendant des États. Les conducteurs plus âgés peuvent se permettre 0,8 g par litre de sang.
Road Traffic Act : les amendes en hausse
La Road Traffic Act sera amendée afin d'inclure 204 délits. Ces amendements prévoient une hausse du montant des amendes pour les délits tels que l'excès de vitesse. Ceux qui ne détiennent pas de permis de conduire ou dont le permis a été suspendu devront payer une amende de Rs 50 000 à Rs 100 000. Le taux d'alcoolémie dans le sang, le souffle et l'urine sera aussi revu (voir ci-dessous). Le projet de loi remplacera également l'ancienne formule du Fixed Penalty Notice (FPN) pour la rendre plus efficace. Si, avant, un contrevenant avait le choix entre demander un FPN et se présenter en cour, maintenant un FPN lui est obligatoirement délivré.
Ensuite, au lieu d'être disqualifié après six Cumulative Road Traffic Offences (CRTO), le contrevenant le sera qu'après cinq effractions. Les amendements vont également consolider la liste des délits en relation avec le FPN. Il est aussi prévu de criminaliser la possession, la fabrication, la vente, l'utilisation, la modification et la falsification des permis et des coupons de parking. Ces changements seront effectifs dès le vote du projet de loi.
Quelle sanction ?
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