Le ministère des Infrastructures publiques ne confirme pas et ne réfute pas la possibilité que le bitume rentre dans cette zone sensible. Alors que tout reste flou les écologistes montent au créneau 17 ans après que la société civile ait pu stopper un projet similaire dans cette réserve naturelle.
La réserve endémique gérée par le groupe Ciel, la Vallée de Ferney, serait de nouveau menacée par un projet d’autoroute dont le début des travaux est pour mai 2022.
Contactées la semaine dernière, les autorités de confirment pas si le tracé traversera la vallée de Ferney, elles ne disent pas le contraire non plus. À ce stade, le tracé lui même serait, selon les autorités, toujours à l’étude pour ce projet déjà estimé à 10 milliards de roupies.
Questionné, le ministère des Infrastructures explique : “Pour ce qui est du tracé de Bel Air à Plaisance, qui devait passer par la Valley de Ferney selon le plan initial qui date des années 90, rien n’est finalisé pour l’heure. Une étude sera effectuée et des discussions auront lieu avec toutes les parties concernées avant qu’une décision ne soit prise.” Il ajoute dans un courriel : “Il est impératif d’opter pour une solution qui soit dans l’intérêt du public sur le long terme tout en préservant notre biodiversité, sa faune et sa flore endémique.”
Ayant pris connaissance de ce projet et face aux questions qui demeurent sans réponse Vikash Tatayah, directeur de conservation à la Mauritian Wildlife Foundationfait met déjà en garde : “Nous sommes très préoccupés de ce projet. La Vallée de Ferney abrite plusieurs espèces endémiques avec des plantes rares telles que le bois perroquet, l’Eugenia bojeri, le tambalacoque, des pandanus très rares et le bois d’éponge. Si la route passe là-bas, ce sera un désastre.”
Vincent Florens, écologue, abonde dans le même sens. “ À Maurice, nous avons très peu de forêt et elles sont déjà sous stress. Une éventuelle autoroute fragilisera celle de Ferney. Ça créera des pollutions sonores et chimiques, entre autres et la biodiversité sera affectée.” Il explique que l’accès qui sera donné au public pourrait jouer contre la forêt. “Cette forêt est bien préservée en grande partie parce qu’elle est très difficile d’accès. Avec une route, les abords seront bien plus accessibles.” Pour Vincent Florens, écologue, : “Les autorités restent floues concernant le tracé complet pour ne pas permettre un levé de bouclier trop tôt de la part des écologistes et du public.”
En 2005, les manifestants avaient fait reculer le gouvernement qui avait lancé le South Eastern Highway. L’arrêt des travaux avait permis de sauver trois espèces endémiques de l’extinction. En effet, l’Eugenia bojeri (un bois clou) ainsi que les pandanus iceryi et macrostigma n’avaient plus été vus ailleurs que dans la Vallée de Ferney. À terme, ces plantes uniques au monde, avaient été les principales raisons qui avaient fait reculer le projet.
Par ailleurs, Ferney est également la terre d’accueil de plusieurs espèces d’oiseaux endémiques qui y ont été relâchés. On peut y voir le pigeon rose, la grosse cateau verte, le merle cuisinier, le coq des bois et aussi la crécerelle de Maurice. “La population globale de la crécerelle à travers l’île est en déclin sauf celle de Ferney. S’il y a un projet d’autoroute là-bas, cela pourrait entraîner un déclin de la population”, s’inquiète Vikash Tatayah.
Si l’autoroute ne traverse pas Ferney, elle pourrait passer par la chaîne de montagne de Bambous. Il s’agit là de la deuxième forêt de Maurice après le Parc National des Gorges de la Rivière-Noire. On trouve également des plantes endémiques sur le Mont Camizard, dans la Vallée d’Osterlog, sur le Mont Brisé, la montagne le Chat et la Souris.
“Cette chaine de montagne contient des plantes rares, dont de nombreuses espèces d’ébéniers”, précise Vikash Tatayah. Il ajoute : “C’est la seule forêt dans le winward side du pays. Elle reçoit beaucoup de pluie. C’est cela qui lui permet d’abriter ces espèces rares.”
Vikash Tatayah attire aussi l’attention sur les effets que pourrait avoir la déforestation dans cette région. “Il y a des inondations sur la côte parce que des forêts ont été coupées.” Les écologistes demandent à ce que le projet soit soumis à une EIA et que des consultations soient faites avec tous les partenaires.
La Vallée de Ferney Conservation Trust : “Un des derniers sanctuaires de la biodiversité ”
Sollicité le groupe Ciel, qui gère la Vallée de Ferney Conservation Trust, explique que l’endroit “abrite l’un des derniers sanctuaires de la biodiversité à Maurice et il est très important de préserver ce patrimoine naturel. C’est l’objet des travaux de conservation que nous menons à travers La Vallée de Ferney Conservation Trust depuis 2008 où plus de 35, 000 arbres endémiques ont été replantées et plus de 150 oiseaux endémiques réintroduits par la Mauritian Wildlife Foundation. Il est également important de noter que ce site unique de la chaîne de montagne de Bambous est considéré comme un Environnemental Sensitive Area, et identifié comme un biodiversity hotspot dans la ‘Protected Area Network Expansion Strategy 2017-2026’. À ce jour, nous comprenons des autorités que ce potentiel tronçon de route entre Bel Air et Plaisance n’a fait l’objet d’encore aucune étude et que son tracé sera défini une fois l’étude menée.”