Canton-Nancy – Après des inondations : les habitants ne cachent pas leur peur

1 year ago - 18 October 2023, Le Mauricien
Froppier bridge, Canton Nancy, Mauritius
Froppier bridge, Canton Nancy, Mauritius
Rien ne va plus à Canton-Nancy, où les villageois sont remontés depuis des années.

En cause : des inondations, où beaucoup ont tout perdu, et ce, à la suite d’un problème d’aménagement structurel, en l’occurrence le pont Froppier. Aujourd’hui encore, ils craignent de revivre le même cauchemar à la moindre goutte de pluie.

Pour remédier à cela, des travaux doivent être effectués. Ce qui, espèrent certains responsables, devrait être terminé avant décembre. En attendant, une déviation temporaire du trafic a été mise en place à la jonction de la route Port-Louis-Centre (A2), notamment jusqu’à la route du Camp-des-Embrevades (B168).

Le PPS Sharvand Ramkaun avait prévu de rencontrer toutes les parties concernées lundi, mais le rendez-vous n’a finalement pas eu lieu. Tout comme Jocelyn Lutchman, secrétaire du Mouvement civique de Canton-Nancy, il insiste pour que les travaux se terminent en décembre prochain, qu’importent les implications financières. « Gamma Civic aurait dû prendre en considération tous les aspects avant de démarrer les travaux de réaménagement du pont Froppier. Ce n’est pas maintenant qu’il doit prendre en compte la présence d’une boutique de couleur rouge et du pont Frappier, qui fait partie du patrimoine. Lorsqu’un projet d’aménagement et de cours d’eau, en particulier, plusieurs variantes sont normalement étudiées. Des visites sur le terrain auraient alors permis d’intégrer des changements dans les projets. »

Le PPS Ramkaun explique que pour éviter l’effondrement de la boutique rouge et le pont Froppier, un cadre de Gamma Civic lui aurait suggéré de construire le pont sur pilotis, ce qui lui permettrait de supporter davantage de poids. Mais cela peut coûter cher aux autorités, aurait-il ajouté. « Je lui ai fait comprendre que les implications financières importent peu, car pour nous, la sécurité des habitants reste notre priorité. C’est à la compagnie à prendre ses responsabilités. »

Ramsingh Ramsur, ancien président du village de Pamplemousses, proche du MSM, se sent très concerné par le projet de réaménagement. Il se rappelle lui aussi des dégâts causés par les inondations en 2012. « L’eau était montée extrêmement vite. Cela avait surpris de nombreux habitants de Canton-Nancy. Les dégâts matériels témoignent de l’intensité des dégâts; c’était un vrai désastre. Les habitants ne souhaitent plus revivre ce traumatisme. »

Il partage entièrement le point de vue du PPS Ramkaun. La sécurité des habitants est primordiale. « Le constructeur aurait dû évaluer l’ampleur des travaux et prendre tous les aspects en compte avant de démarrer les travaux. Qu’il prenne ses responsabilités maintenant. » Le projet, estimé à Rs 33 463 331, a été confié à Gamma Civic.

Shyam Ramsewok, un habitant de la localité, a encore en tête les dégâts causés depuis 2008 par les inondations. Il insiste pour que les villageois n’oublient pas que ce projet de réaménagement cadre avec le programme de gestion des inondations. « Notre priorité, c’est que les travaux se terminent le plus vite possible pour éviter encore une fois les inondations. Je rappelle que l’eau descendait avec un volume extraordinaire. Ces inondations sont encore gravées dans ma mémoire. L’eau avait envahi des maisons. Nous ne voulons pas revivre ce cauchemar », dit-il.

Il poursuit : « la déviation pose définitivement un gros problème aux habitants et perturbe le quotidien de beaucoup de familles, surtout les enfants qui doivent aller à l’école. Notre priorité reste la fin des travaux avant les grosses pluies de décembre pour que nos maisons ne soient pas inondées. Dois-je rappeler aux responsables des travaux que les catastrophes naturelles sont dévastatrices, car elles se produisent de façon imprévisible et que leurs conséquences sont elles aussi imprévisibles. Les mesures de prévention et de protection sont particulièrement importantes pour nous préparer aux événements naturels. » D’où son appel aux autorités pour que les travaux soent bouclés le plus vite possible.

Joanita et John, eux, habitent à quelques mètres de la boutique rouge et du pont Froppier. Et ils ont presque tout perdu lors des dernières inondations : produits alimentaires, mobilier, réfrigérateur, télé, vêtements, produits électroménagers, livres et fournitures scolaires de leurs enfants… « Tou ti abime apre ki dilo finn rant partou dan nou lakaz », disent-ils.

« Les égoûts débordaient, l’eau s’infiltrait de partout. Nous avions tenté d’evacuer l’eau, montée à hauteur de genoux. Nous sommes toujours habités par la crainte dès que la météo annonce du mauvais temps ou des pluies torrentielles. Nou pa anvi reviv sa lepizod-la. Nou ankor pe soufer bann konsekans ! » avoeunt-ils.

Pour sa part, Michael Agathe habite à Canton-Nancy depuis plus de 40 ans. Il dit craindre une grande catastrophe si, un jour, l’eau de pluie passe sous le pont après de graves inondations. « J’ai déjà approché un responsable qui travaillait pour la firme Gamma Civic, qui était sur place à Canton-Nancy. Je lui avais fait part de mes inquiétudes concernant les risques d’un effondrement de la boutique rouge et du pont Froppier lors d’épisodes de fortes pluies. Il m’avait dit : “Nou bann profesionel nou. Nou konn nou travay, nou kone ki nou pe fer.” »

La discussion, dit-il, était très animée. « J’ai préféré rentrer tranquillement chez moi. Ala rezilta zordi. S’il y avait eu une bonne planification avant le démarrage des travaux, on ne serait pas confrontés à une telle situation aujourd’hui. Avec l’arrêt des travaux, l’inquiétude gagne chaque jour les habitants, car je suis certain que les travaux ne seront jamais fini en décembre. »

Michael, petit entrepreneur d’une quarantaine d’années, explique qu’il avait reçu la visite du ministre Soodesh Callychurn et du député Sharvanand Ramkaun chez lui après les grosses inondations de décembre 2018. « Nou devlop enn bon relasion. Zot konn bien bann problem bann abitan nou landrwa ! » dit-il.

Quant aux inondations, ils s’en souvient très bien. « Ma maison avait été envahie par l’eau. Mes meubles, mon placard, mon buffet, des machines, des outils… Tout a été abîmé. Je me suis rendu au poste de police de Pamplemousses pour déposer plainte et pour faire part de ce qui a été détruit chez moi. Mais les policiers ne m’ont pas pris au sérieux. Ils m’ont dit que le délai était dépassé. J’avais évalué les dégats à Rs 50 000. J’éprouve toujours des difficultés pour travailler jusqu’à aujourd’hui. » Et d’ajouter qu’à la moindre goutte de pluie qui tombe, les habitants commencent à paniquer. « Komien letan pou viv koumsa ? » se demande-t-il.

De son côté, Jocelyn Lutchman, secrétaire du Mouvement civique Canton-Nancy, insiste pour que les travaux redémarrent « coûte que coûte », soit retirer les structures en béton préfabriquées, placées juste après le pont existant et qui bloquent le passage de l’eau et les détritus pendant les grosses averses. « Ça doit impérativement être fait avant décembre », dit-il.

Par ailleurs, une interpellation parlementaire sur le projet est prévue à l’Assemblée nationale. Le député Woochit. s’intéresse aux travaux en cours sur le pont Froppier, à Canton-Nancy. Il voudrait ainsi avoir des précisions de la RDA notamment sur l’allocation du contrat, le coût total du projet et la date de la fin des travaux.