Après l’accident tragique qui a coûté la vie à 10 personnes impliquant un bus Blue Line de la Compagnie Nationale de Transport (CNT) le 3 mai dernier, voilà qu’un autre impliquant un autobus de la même compagnie et un van scolaire a été déploré le 13 juin, à Camp-Levieux. Bilan : 18 blessés, dont la plupart des enfants. De plus, des incendies ont éclaté dans deux autres autobus de la CNT, le vendredi 7 juin dernier. Dans les deux cas, ce serait un court-circuit qui aurait provoqué l’incendie.
Un troisième avait été la proie des flammes le 23 mai 2013. C’était un bus scolaire transportant des enfants de l’école de Palma. La fumée provenant du moteur en feu a rendu les enfants à bord malades. Un autre cas qui n’a pas manqué de susciter la colère des gens a été quand la portière de la cabine du chauffeur d’un bus Blue Line de la CNT s’est détachée pour finir sur l’asphalte. L’incident s’était produit le 16 mai à Port-Louis.
En octobre 2012, un incident avait choqué plus d’un. Un septuagénaire, originaire de Rose-Hill est tombé d’un autobus. Il était assis sur le premier siège d’un autobus de l’United Bus Service (UBS) et a fait une terrible chute lorsque le chauffeur a freiné. La portière s’était brusquement ouverte, alors qu’elle est censée être motorisée pour, justement, éviter ce genre de catastrophe. Des cas qui remettent en question la maintenance de nos autobus.
Les autobus ont fait couler beaucoup d’encre ces derniers temps. Non pas pour les tarir d’éloges, mais pour faire leur procès. En effet, depuis quelque temps, le manque de sécurité dans nos autobus suscite pas mal d’inquiétudes et enfle une psychose qui s’installe au fur et à mesure que les évènements s’enchaînent. La question qui se pose concerne la fréquence des maintenances ainsi que d’autres facteurs susceptibles de mettre la vie d’autrui en danger. Le Blue Line, par exemple, autrefois un symbole de confort et de sécurité, est aujourd’hui au centre des discussions. Suite à l’accident de Sorèze survenu à cause d’une défaillance dans son système de freinage, la crédibilité du Blue Line a été sérieusement secouée.
Les habitués des autobus ne peuvent s’empêcher de se poser des questions. Ashwin Tattea, qui prend l’autobus quotidiennement pour aller travailler, nous raconte qu’il ne sent plus en sécurité. « Je suis contraint de prendre le bus pour aller travailler, mais rien n’est plus pareil. Vu que le trajet est long j’ai toujours pris pour habitude de dormir en cours de route. Je ne le fais plus maintenant. Le moindre bruit que j’entends me stresse. Si cet accident peut tuer 10 personnes, je me dis que cela peut m’arriver aussi », affirme-t-il.
D’autres passagers nous expliquent qu’ils préfèrent éviter les autobus Blue Line, surtout avec les révélations qui ne cessent de tomber depuis l’accident. Sam Anthony Gérard, président de l’Open Association of Bus Drivers, se dit sceptique quant à l’intérêt que portent les autorités mauriciennes envers les conditions des autobus sur nos routes. « Les autorités concernées ne semblent pas faire des cas d’autobus non-conformes aux règlements une priorité.
Il y a des autobus sans Reverse Alarm, sans Backlight, sans Hazard, avec un seul Wiper au lieu de deux qui roulent sur nos routes actuellement. Je me demande comment ils ont pu obtenir leur Fitness. La grande interrogation est : comment est fait le contrôle des autobus avant de leur donner leur Fitness ? Les autorités parlent de Road & Safety, mais tout cela est imaginaire à mon avis », martèle notre interlocuteur.
Il avance que les passagers payent le prix fort de ces négligences. « Nous pouvons conclure que le service proposé aux passagers est des plus médiocres quand on voit toutes ces catastrophes qui arrivent ces derniers temps, impliquant des autobus. Dans tout cela, c’est le public qui en souffre. Les tarifs ne cessent d’augmenter mais il n’y a aucune amélioration de la part de certaines compagnies de transport. Les clients sont censés être rois mais ce n’est pas le cas quand il s’agit de transport public. Des fois, quand il pleut, nous devons installer des prélats à l’intérieur du bus parce qu’il coule et cela dérange les gens », s’insurge Sam Anthony Gérard.
Le président d’OABD souligne aussi qu’avec l’avènement du permis à points et les récents accidents, les chauffeurs d’autobus refusent de conduire des véhicules qui ne sont pas conformes aux règlements. « C’est facile après de dire que c’est la faute aux chauffeurs quand il y a un problème. Nous avons donc pris la décision de ne pas conduire les bus défectueux », conclut ce dernier.
Yousouf Sairally, Workshop Manager de UBS : « Nous avons un système préventif »
Yousouf Sairally, du United Bus Service (UBS), nous explique que chaque chauffeur doit impérativement vérifier l’autobus quinze minutes avant de prendre le volant au quotidien. De plus, les mécaniciens sont au garage dès l’aube pour vérifier tous les autobus.
À United Bus Service, ils ont instauré un système préventif. « La maintenance se fait tous les 8000 km. Chaque jour, de nos 296 autobus, une dizaine restent au garage pour diverses réparations. Par ailleurs, en dépit de toutes les mesures préventives, les cas d’incendie peuvent se produire à n’importe quel moment. Par exemple, il existe un interrupteur principal qui doit toujours être éteint en cas d’incendie », dit-il. Le workshop manager affirme aussi que chaque compagnie de transport a sa propre façon de fonctionner. « Il est vrai que récemment on a traversé des moments difficiles, mais la sécurité des usagers reste notre priorité », précise-t-il.
Sidharth Sharma, managing director de ‘RHT Bus Services Ltd’ : « Nous sommes conscients que nous avons des vies entre nos mains »
Du côté de la RHT Bus Services Ltd, Dr Sidharth Sharma, Managing Director, assure que toutes les précautions sont prises pour assurer un service exemplaire et en toute sécurité. « Nous sommes conscients que nous avons des vies entre nos mains. C’est pour cela que tout est fait dans les règles et selon les recommandations de la National Transport Authority ».
Il explique que, chaque matin, les chauffeurs sont priés de vérifier les freins, le niveau d’air dans les freins, les rétroviseurs et les Stop Lights, entre autres. « C’est la routine du matin. Au moindre problème, le chauffeur doit aviser son supérieur. Pour ce qui est de la maintenance des autobus, le « servicing » est fait tous les 8000 kilomètres, ce qui représente 35 jours environ. Nous disposons d’un logiciel pour contrôler quotidiennement nos véhicules. Les réparations mineures sont faites au garage chez nous, sinon c’est la compagnie qui a construit le bus qui s’en charge », dit-il.
En ce qu’il s’agit des chauffeurs, Sidharth Sharma souligne qu’ils reçoivent des formations chaque année pendant la période des vacances scolaires. « Les nouvelles recrues sont formées pour apprendre comment fonctionne un autobus. Cette formation dure 15 jours. Ensuite, ils passent un examen qui déterminera s’ils sont capables de faire ce métier. Pour les chauffeurs professionnels, ils reçoivent des formations régulièrement de formateurs qualifiés dans ce domaine ou de la Road Safety Unit qui se fait sur une base annuelle.
Ces cours sont axés sur comment réagir en cas de danger, le Health & Safety, le Risk Assessment entre autres. Le protocole à suivre en cas de danger est que le chauffeur et le receveur doivent avant tout rassurer les passagers, ensuite le chauffeur engage les techniques appropriées pour la situation », dit-il.
Pour ce qui est des freins, le Managing Director explique que pour ses 88 autobus, il y a des systèmes de freinage que le chauffeur utilise en cas de problème avec les freins habituels. « Si les freins sont à air ou hydrauliques, dans certains de nos autobus, il y a un ralentisseur manuel en cas de problème et les autres les roues sont automatiquement bloquées si les freins ne fonctionnent plus. Il faut savoir qu’un bus n’est pas comme les véhicules courants. Il faut connaitre sa technicité avant de prendre la route », souligne-t-il
Ce que prévoit la “Road Traffic (Construction and Use of Vehicles) Regulations 2010”
Sunil Jeewoonarain, secrétaire MBOCFL : « Les véhicules japonais sont plus faciles à manier »
Selon le secrétaire de la Mauritius Bus Owner Coorperative Federation Ltd (MBOCFL), chaque autobus indépendamment de sa marque doit être selon les normes du Road Traffic (Construction and Use of Vehicles) Regulations 2010 (voir en hors-texte) afin d’être éligible pour la Fitness Examination. « Environ 95 % des opérateurs de bus optent pour la carrosserie ainsi que le châssis du Japon et le l’assemblage se fait à Maurice. Le coût de maintenance est relativement moins cher que des autobus de l’Inde, mais le système est tout de même plus durable. De plus, le confort du chauffeur est assuré et les véhicules japonais sont plus faciles à manier », explique-t-il.
Par ailleurs, il nous confie aussi que les autobus de la National Transport Corporation (CNT) font plus de trajets au quotidien que les bus individuels, l’usure est ainsi inévitable. « On travaille dur afin de réduire le nombre d’accidents sur nos routes. Toutefois, un changement de mentalité de la communauté des opérateurs est primordial. Les chauffeurs ont tendance à faire la course sur nos routes à cause de cela, dû à la compétition. C’est certes un facteur qui peut causer des accidents, mais nous travaillons sur ce point. Les pannes ou autres défaillances techniques sont très rares.
En ce qui concerne les entretiens de nos bus, cela se fait à chaque 5000 km avec une révision générale du véhicule. En dépit des vérifications habituelles, pendant le trajet on doit se préparer à tout. Les opérateurs des autobus ont souvent des difficultés financières à cause des ‘taxis marrons’ ainsi que le manque de main-d’œuvre dans l’industrie du transport. Nous nous efforçons tout de même de mettre plus d’accent sur la sécurité des passagers », précise-t-il.
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