Pollution sonore dans les régions côtières : Encore et toujours

2 years, 9 months ago - 23 February 2022, Le Mauricien
rue du Vieux Moulin à Péreybère, Maurice
rue du Vieux Moulin à Péreybère, Maurice
Ballet incessant de véhicules dotés de dispositifs d’échappement trafiqués à Pereybère, rue du Vieux moulin; L’overdose sonore à Flic-en-Flac où les DJ rivalisent à coups de décibels

La pollution sonore, avec les fêtes tapageuses et le vacarme des moteurs de véhicules trafiqués en toile de fond, est l’une des principales causes de nuisances gangrénant les zones résidentielles de Pereybère, Grand-Baie, Tamarin et Flic-en-Flac. On ne cessera jamais d’évoquer avec autant d’accent les contours de ce phénomène impactant des centaines de milliers de nos concitoyens des régions côtières.

Les restrictions sanitaires n’auraient nullement ralenti cette désinvolture au point d’avoir supplanté l’insécurité dans la hiérarchie des problèmes humains les plus préoccupants. Les inspecteurs Brasse et Amasay de laPolice de l’Environnement ont beau clamer que les patrouilles s’intensifient dans ces régions (voir plus loin), ils peinent à désamorcer la colère des habitants, qui risque d’atteindre le point d’ébullition en prévision de la levée définitive des restrictions et le retour des fêtards sur les pistes de danse.

À quel niveau d’indécence peut-on sombrer pour ainsi adopter de telles incivilités teintées de mépris, sans se soucier des conséquences que cela engendre sur la santé d’autrui !? On ne compte plus le nombre de fois où Week-End a relayé dans ses colonnes le calvaire auquel sont confrontés les habitants de certaines régions côtières. Encore heureux que dans cette léthargie, certaines voix continuent à se faire entendre,  car avec la fermeture des discothèques, les campements et les villas se (re)transforment depuis peu en « clubs d’Ibiza  » comme à Flic-en-Flac où les DJ rivalisent à coups de décibels! «  Notre village est très prisé des Mauriciens qui louent des campements, l’espace d’un week-end, pour y faire la fête. On peut comprendre mais après des mois d’accalmie, compte tenu des confinements et des restrictions sévères, les fêtards invétérés sont de retour en masse dans les campements et villas où la musique forte, les chants et les hurlements ont repris de plus belle », confie un habitant de l’avenue des Hirondelles, où l’anarchie règne en maître.

Le calme, somme toute relatif pendant les jours de semaine, laisse place pendant le week-end à une grosse agitation synonyme de nuits blanches et de réveils inopinés pour ceux aspirant à la quiétude et au repos. Les yeux ailleurs, les traits fatigués, Gérard, que nous avons rencontré hier, tire machinalement de longues bouffées sur sa cigarette. Et pour cause, après avoir été assommé par la chaleur étouffante durant la journée de vendredi, ce retraité de 64 ans a été confronté, le soir même jusqu’aux petites heures du matin, au brouhaha harassant généré par une villa située à quelques mètres de sa demeure. Il n’en croyait pas oreilles, si bien qu’il n’a pu s’empêcher de sermonner, en vain, les responsables de cette infraction : « Je commence à regretter le calme des confinements, contraignant à bien des égards, certes, mais au moins on vivait en paix. Pas plus tard que vendredi soir et samedi, mon épouse, qui est diabétique, et moi avons subi un calvaire à cause des bruits répétitifs et intempestifs émanant d’une villa sur plusieurs heures. On se croyait à un concert ! Je me suis rendu là-bas pour demander aux organisateurs de baisser le volume, en vain ! Kot la polis été ? Mo pa kompran. J’ai honte lorsque j’entends les touristes gloser sur cette nuisance qui mine leur séjour à Maurice. »

Le « je-m’en-foutisme » de la propriétaire

Le « je-m’en-foutisme » de la propriétaire d’une villa de Flic-en-Flac, où le tapag nocturne est monnaie courante, est pointé du doigt par les riverains. « La propriétaire qui réside en Angleterre a été mise au courant de la gêne que ses locataires occasionnent tous les week-ends, mais au lieu de rectifier le tir, elle nous envoie balader, allant même jusqu’à nous sommer de déménager si nou pa kontan.  C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase », s’insurge une habitante. En sus de cette nuisance sonore, les jours d’affluence, les clients des restaurants et piqueniqueurs utilisent les rues comme parking. Ces stationnements anarchiques empêchent les riverains d’entrer ou de sortir de leurs garages. La cohabitation devenant difficile, les résidents comptent signer une pétition, afin de s’entraider et mettre fin à ces désagréments.

Bien d’autres habitants de Flic-en-Flac devraient se greffer à cette pétition, car exaspérés et accablés par le bruit des voitures puissantes et des motos trafiquées qui vrombissent la nuit en toute impunité. Un fléau qui a pris des proportions aggravantes dans le nord du pays, notamment à Pereybère, rue du Vieux moulin, en face de la plage, où nous avons rencontré Marc qui ne compte plus le nombre de fois où il  s’est rendu à la police de l’Environnement de Trou-aux-Biches pour porter plainte contre ce type d’infraction qui perturbe ses nuits : « Les officiers de l’Environnement m’ont dit de me rendre à une station de police normale qui dresse également des contraventions. Comprenne qui pourra ! Je me suis, donc, rendu à la station de Grand-Baie après avoir constaté qu’il y avait 26 caméras de surveillance entre Pereybère et le poste de police de Grand-Baie. Les policiers m’ont dit que les véhicules passent trop vite et qu’ils ne peuvent lire les numéros d’immatriculation des contrevenants. Rien à faire. »

Un rituel tous les vendredis soirs

À quelques encablures de la maison de Marc, Vinay, 39 ans, vient d’emménager dans un appartement flambant neuf avec son épouse et ses deux enfants. Sauf que le ballet incessant des voitures et motos dotées de dispositifs d’échappement non homologués et produisant un vacarme assourdissant, gâche sa joie d’avoir offert à sa famille un nouveau toit après des années : « Ils nous font endurer un vrai calvaire !! Impossible les vendredis et samedis soirs d’ouvrir les fenêtres, même pour aérer les pièces. Le bruit des moteurs et des klaxons est tel qu’il couvre littéralement le son de la télévision. Par conséquent, il est crucial de réguler la vie nocturne du village afin d’assurer un vivre ensemble la nuit et préserver notre santé. » Les riverains qui ont essayé de dialoguer avec ces trublions ont reçu des insultes.

Ces comportements constituent un phénomène omniprésent à Grand-Baie, autre station balnéaire nordique très prisée par les touristes et où le vrombissement incessant des grosses cylindrées, les vitesses excessives et le non-respect du code de la route perturbent la quiétude des habitants qui ne savent plus à quel saint se vouer pour convaincre les amateurs de bécanes et de voitures bidouillées de mettre un terme à leur calvaire. Et comme si le grondement des moteurs ne suffisait pas, on les assène de fêtes tapageuses le week-end jusqu’aux petites heures du matin. « C’est un rituel tous les vendredis soirs sur la plage publique. Des jeunes gens investissent la plage et la voie publique pour boire avec la sono à fond. Ils font la sourde oreille aux avertissements », confie Simone. Les plaignants, qui ont toléré ces écarts pendant un certain temps, ont entrepris des démarches pour déposer plainte auprès des différentes autorités concernées.

La question des nuisances sonores se pose dans les mêmes termes à Tamarin. Un fléau qui s’est largement répandu au fil du temps et qui touche les résidences et les campements situés autour de la plage publique. Désireux de s’évader de leur lieu de vie quotidienne, Maxime et Marie-Claire, un couple de retraité, ont opté pour l’achat d’un campement en 2019 à quelques mètres de la plage où ils espéraient se la couler douce le week-end. Or, il est loin le temps de confinement où le silence et le chant des oiseaux remplaçaient la pollution sonore. « ll y a de la musique fort tard le soir, des éclats de rire, des gens alcoolisés aux comportements désinhibés qui chantent à tue-tête jusqu’aux petites heures du matin. Les autorités n’ont pas le droit moral de laisser perdurer une telle situation ! Les gens ont le droit d’avoir un sommeil sain et de ne pas être dérangés le soir », s’insurge le couple.

Tout cela pour souligner un fait irréfutable : ce n’est malheureusement pas demain la veille que ces bruits récurrents – susceptibles d’induire, à longue, un état d’épuisement – disparaîtront. Et l’on s’étonnera que Maurice soit en train de perdre son lustre d’antan. Il n’y a qu’à écouter les touristes, nombreux à préférer séjourner dans des campements, et les investisseurs étrangers eux-mêmes, ou lire les commentaires peu amènes qu’ils publient sur les réseaux sociaux et forums de discussions, pour comprendre les raisons qui les font bouder le pays et se tourner vers d’autres destinations. Pas flatteur du tout pour “l’île Maurice plaisir”.