Soit, mais voilà, cela transformerait le pays en un immense chantier. Alors, entre les optimistes, comme le ministre lui-même, et les sceptiques, comme les experts qui estiment que ces projets ne pourront se concrétiser simultanément, c’est d’ores et déjà la guerre des nerfs.
Réagissant à une déclaration de Nando Bodha, qui estime que ces deux projets d’envergure peuvent être réalisés en même temps, des experts n’ont en effet pas tardé à monter au créneau.
Si, pour quelques-uns d’entre eux, seule une organisation millimétrée pourra garantir le succès d’une telle entreprise, d’autres affirment tout bonnement que ce n’est réalisable en aucun cas, à moins d’exposer le pays quotidiennement à des gros embouteillages, entre autres problèmes.
La majorité des chantiers se trouvant à Port-Louis, les répercussions pourraient être graves, indique un expert du secteur privé, sous le couvert de l’anonymat. «Ce n’est pas réalisable, car il y aura plusieurs chantiers à Port-Louis et cela aura une incidence sur le trafic. J’irai plus loin en disant que cela pourra affecter l’économie.» Les heures perdues dans les bouchons risquent en effet d’affecter la productivité, estime-t-il.
Parmi les gros projets du RDP, l’on pourra citer la construction d’un échangeur à la rue Decaen, à Port-Louis, pour accéder à la capitale sans traverser la Place d’Armes ; puis les phases II et III de la Ring Road, qui comprennent un tunnel au cœur de la montagne des Signaux, et la construction d’un viaduc sur le boulevard Victoria, à Vallée-Pitot.
Le budget va-t-il exploser ?
La construction des routes A1M1, reliant Sorèze à Coromandel, et A1A3, qui reliera Coromandel à Gros-Cailloux, est aussi prévue, en plus d’un échangeur à Phoenix. Une somme de Rs 15 milliards est prévue pour ces travaux.
«Nous avons un budget de Rs 15 milliards pour tout le RDP, avec Rs 3 milliards à être décaissées chaque année pour tous les projets», indique une source au ministère des Infrastructures publiques.
Selon une autre source de l’express au ministère de tutelle, les voies d’accès à la capitale seront engorgées, voire bloquées, par la présence de plusieurs chantiers. Les problèmes techniques, selon elle, seront inévitables.
«Il faudra obligatoirement trouver des déviations à certains endroits. Or, il n’y a pas toujours d’espace disponible pour les déviations. Il faudra peut-être envisager un couloir de circulation dans chaque sens et l’incidence sur la congestion routière pendant la durée des travaux n’est pas négligeable», estime notre source.
Logistique et financement
Un autre point sensible a trait à la réfection des gares routières, à savoir la place de l’Immigration et la gare Victoria, et cela, parallèlement aux travaux du RDP. «Pour cela, il faudra faire stationner les autobus aux Salines et là, l’autre contrainte sera de prévoir des navettes. Il faudra négocier avec les compagnies d’autobus et les opérateurs individuels et trouver où les reloger si l’espace aux Salines n’est pas suffisant», prévoit l’un de nos experts.
Autre question d’ordre logistique : la disponibilité des matériaux, un fait qui n’est pas à négliger. «Sera-t-il possible d’obtenir la totalité des matériaux pour chaque chantier ? Il y a aussi la question de main-d’œuvre, il faudra différents contracteurs pour différents chantiers avec selon toute probabilité des tarifs différents et des méthodes de travail différentes.» Ce qui pourrait avoir des répercussions sur le financement, avec des risques de dépassement du budget de Rs 3 milliards par an.
Chantiers «au point mort»
Dans ce cas de figure, explique un préposé au ministère des Infrastructures publiques, il serait impossible pour le ministère de prendre la somme prévue pour l’année suivante pour compléter les travaux. «Les chantiers seront donc au point mort.»
Toutefois, avant même le début des travaux, des tests de faisabilité doivent être réalisés. «Le pont à Sorèze, l’échangeur à Phoenix ou encore les gares routières sont des projets nécessitant des approches différentes, une expertise différente et des techniques différentes», note un expert.
Date de début des travaux «irréaliste» ?
C’est du reste la raison pour laquelle la date prévisionnelle de début des travaux – le 1er juillet 2016 – ne semble pas réaliste aux yeux de notre interlocuteur, les procédures prenant du temps – lancer des appels d’offres internationaux prend environ trois mois ; quatre autres mois sont nécessaires pour l’évaluation des offres. «Il faut ensuite faire les tests sur les sites et les tests peuvent prendre jusqu’à une année sur tous ces chantiers, et il y a l’étape du design avec les détails comme les types de matériaux à utiliser.»
Premier décaissement en juillet 2016
Au ministère, la confiance est malgré tout de mise : un interlocuteur soutient en effet que tous ces aspects de la question sont pris en compte en vue d’un démarrage des travaux l’an prochain.
Selon une source au ministère, le premier décaissement pour la mise en oeuvre de ce projet coïncidera avec les premiers coups de pioche prévus le 1er juillet 2016. «C’est tout à fait possible de lancer tous les projets en même temps. Actuellement on complète la partie administrative ; on lance les études de faisabilité, les appels d’offres internationaux et on prépare les designs préliminaires, entre autres.»
Selon notre interlocuteur, il n’y a pas de crainte à avoir, et certains chantiers avanceront plus vite que d’autres. Il ajoute, à titre d’exemple, que la deuxième phase de la Ring Road – qui implique de creuser un tunnel dans la montagne – pourrait prendre plus de temps. «Il y aura peut-être un peu d’embouteillage vers le Quai D, mais nous prenons le temps de bien planifier notre projet de sorte à ce qu’il y ait un minimum de répercussions sur le trafic.»