Quatre Morts À Bel-Étang : L'Alcool au Banc des Accusés !

10 years, 9 months ago - 18 June 2013, Le Mauricien
Quatre Morts À Bel-Étang : L'Alcool au Banc des Accusés !
Le conducteur du camion, Bunjunsingh Beeharry (58 ans), positif à l'alcootest, participe à une reconstitution hier matin et affirme avoir vu la voiture FD 38 surgir des champs de cannes

L'enquête policière sur l'accident de Bel-Étang ayant fait quatre morts, dont un enfant de 11 ans, a abordé une étape déterminante hier matin avec le conducteur du camion immatriculé 35 75 NV 93, Bunjunsingh Beeharry, 58 ans, participant à une reconstitution des faits. Cet habitant de Sébastopol, qui avait un taux élevé d'alcool dans le sang, est maintenu en détention policière. Au cours de cet exercice, il s'est évertué à soutenir sa déposition en affirmant que la voiture immatriculée FD 38 aurait surgi d'un champ de cannes devant son véhicule. Depuis ce mardi 11 juin, les familles de Nicole Botte, son fils, Dylan, et son compagnon, Michael Philippe, ainsi que celles de leur ami Cyril Madone sont complètement meurtries après cet accident brutal qui est venu bouleverser leur vie.

Pour les besoins de la reconstitution des faits, qui a débuté aux alentours de 10 h hier matin, Bunjunsingh Beeharry, en présence de son homme de loi, Me Vedakur Rampoortab, devait indiquer formellement aux enquêteurs les étapes clés de cet accident. Le chauffeur a d'abord montré où son camion se trouvait sur la route de Bel-Étang au moment où il aurait vu la voiture immatriculée FD 38 surgir devant lui. Bunjunsingh Beeharry a ensuite indiqué le sentier dans les champs de cannes d'où la voiture serait subitement sortie, avant de finalement identifier le point d'impact entre la voiture et le camion qu'il conduisait. Bunjunsingh Beeharry devait récupérer ce matin-là des ouvriers, avant que son camion n'entre en collision avec l'arrière de la voiture dans laquelle se trouvaient neuf personnes.

Le chauffeur de camion confirme ainsi sa version donnée dans sa déposition au poste de police de Montagne-Blanche, dans laquelle il a affirmé aux enquêteurs : « Enn kout, mo trouv enn loto blan sorti dan enn simin karo kann a drwat. Li inn vire divan moi e mo inn sey evit sa loto la me mo pa inn kapav ; loto la pa ti ena la limier nanyen. »

Après cette étape cruciale de l'enquête policière, Bunjunsingh Beeharry a été reconduit en cellule en attendant sa prochaine comparution en cour, prévue en début de semaine, au cours de laquelle il pourrait être remis en liberté conditionnelle. Toutefois, la version du chauffeur de camion est venue contredire celle avancée par les occupants de la voiture, qui revenaient d'une fête à Camp-de-Masque. Les survivants de ce terrible accident soutiennent en effet que la voiture était en panne et immobilisée depuis au moins deux heures du matin.

Le fait le plus compromettant pour Bunjunsingh Beeharry demeure néanmoins qu'il a été contrôlé positif à l'alcootest, avec un taux de 34 mg d'alcool dans le sang, au-dessus des 23 mg de la limite autorisée. Au cours de son interrogatoire, il a confirmé avoir consommé de l'alcool la veille de l'accident, soit lundi soir, tout en affirmant qu'il n'était pas saoul au moment de prendre le volant. « Mo ti bwar la vey me mo pa ti saoul kan mo ti pe kondwir mo kamion mardi matin », devait-il déclarer à la police, en affirmant également qu'il ne roulait pas à vive allure, soit à 60 km/h.

L'un des prochains volets de l'enquête devrait être la déposition formelle du conducteur de la voiture, Jean-Noël Bègue, 38 ans, encore à l'hôpital de Flacq. Ce survivant de l'accident, qui a toutefois déjà donné certaines indications à la police, a dû subir une intervention chirurgicale pour enlever des éclats de verre ayant pénétré son œil et soigner une fracture de l'os nasal. À ce stade, aucune indication n'est disponible quant à la date à laquelle la version du chauffeur sera consignée. L'enquête de la police, qui devrait être plus longue que prévue, se poursuit.

Avec ce nouvel accident de la route à Bel-Étang, le deuil afflige de manière brutale et cruelle trois familles. Nicole Botte (46 ans), son fils Dylan (11 ans) et son compagnon Michael Philippe (37 ans) ont été tués en plein bonheur, alors qu'ils construisaient une nouvelle famille. L'autre victime, Cyril Madone (58 ans), laisse derrière lui des proches complètement meurtris et effondrés, dont une fille, Sharon Dubijnon (27 ans), qui a, elle, survécu à l'accident.

Des familles bouleversées

Dans la région d'Olivia, dans l'est de l'île, la scène était des plus poignantes pour la veillée mortuaire. Dans un rayon de moins de 100 mètres, trois dépouilles étaient exposées : celles de Nicole Botte, née Sarah, son fils, Dylan Botte, et son compagnon, Michael Philippe. Chez les Sarah, où une foule s'est déplacée en ce mardi soir pour rendre un dernier hommage à la mère et son fils, on raconte avec une profonde tristesse que durant ces sept dernières années, Nicole s'était mise en tête de construire une nouvelle famille avec Michael. Le couple s'était d'ailleurs mis à se donner les moyens de concrétiser ce rêve en s'installant, avec le petit Dylan, dans une maison en location à Sébastopol, il y a quelques mois. Cette famille recomposée vivait des jours heureux et avait ainsi commencé à envisager des projets, jusqu'à ce que tout se volatilise en un instant tragique.

Aujourd'hui, les autres enfants de Nicole, dont sa fille Jennifer (23 ans), habitante d'Olivia également, ne peuvent que se raccrocher aux souvenirs, leur seule consolation. « Ces deux-là étaient vraiment très proches. Zame enn ti bouze san lotre. Mo pou touzour garde dan mo leker sa bann bon moman ki nou fine passé ensam. La dernière fois où toute la famille était réunie remonte à la confirmation de Dylan. Ce dernier était quant à lui très aimé de tous. Même à l'école, il faisait l'honneur de la famille. Me malheurezman depi sa bann dernier tan-la nou pa ti pe trop gagne zot nouvel ek pa ti trop en kontak akoz zot fine ale ress Sébastopol », raconte-t-elle, cachant difficilement ses regrets.

Ce mardi 11 juin, le monde de Jennifer a complètement basculé avec la confirmation que sa mère, son petit frère et son beau-père ont été tous tués sur le coup dans la voiture emboutie par le camion sur la route de Bel-Étang. « Mo ti ankor pe dormi kan monn tann Michael so mama krier ek plorer. Li ti pe dir "mo garson inn mort, mo garson inn mort". Kan mo finn rode kompran ki finn arrivé ki monn apranne ki mo mama ek mo frer finn mort. Monn senti mwa gagne enn sok. Monn pane mem kapav kozé. Monn gagne faibless. Kumadir mone finn paralysé », poursuit-t-elle en larmes.

Dans des témoignages livrés à Week-End, les membres de la famille feront tous les éloges de Nicole et de Dylan. Nicole, sans emploi et qui souffrait d'asthme, est présentée comme une mère courage et une battante. Son fils Dylan, qui devait prochainement prendre part aux examens du CPE, faisait la fierté de sa famille en étant un élève très apprécié à l'école. Mère et fils sont décrits comme étant des inséparables. Aujourd'hui ils sont unis dans la mort…

Deux rues plus loin, dans le modeste quartier d'Olivia, la famille de Michael Philippe est désemparée et en plein désarroi. Le fils de la victime, Jeremy (21 ans), qui a grandi avec sa mère et qui n'a pas beaucoup côtoyé son père, est anéanti et inconsolable. Le fait de ne pas avoir vu son père depuis ces derniers mois est pour lui difficile à accepter. Aujourd'hui, il n'arrive pas à réaliser qu'il ne le verra plus jamais. Pour la mère de la victime, Sylvia Beaugendre (65 ans), la mort de Michael est un drame de trop, car elle a déjà perdu un enfant il y a quelques temps. « C'est le deuxième enfant que je perds. Je suis sous le choc. Je n'arrive pas à croire que je serai seule à l'avenir », dit-elle, tout en imaginant ce que sera dorénavant son quotidien sans son fils, qu'elle décrit comme étant quelqu'un d'affectueux.

À Camp-Levieux, ceux qui ont côtoyé Cyril Madone pendant de nombreuses années pleurent aussi sa disparition tragique. Ce père de cinq enfant et pêcheur de profession, était connu pour sa joie de vivre et sa passion pour son métier. « C'était quelqu'un de très sympathique. Zame li pou gagne laguer are dimoune. Ses journées étaient ponctuées de parties de pêches et des visites chez des parents. Il vivait au jour le jour… », raconte son fils Kursley, la voix remplie de tristesse.

ROUTES MEURTRIÈRES : Les quatre autres victimes de la semaine

Sans compter les quatre morts dans le dramatique accident de Bel-Etang, la route a fait quatre autres victimes depuis le week-end dernier. La dernière en date est Alvino Rabe, 17 ans et habitant Ville-Noire à Mahébourg. L'adolescent a rendu l'âme jeudi matin sur son lit d'hôpital. Il avait été victime d'un accident de la route le 8 juin. Sa moto avait percuté la porte d'un restaurant à Mahébourg et Alvino Rabe avait été admis à l'hôpital. L'autopsie pratiquée par le Police Medical Officer (PMO) attribue la mort à des « cranio cerebral injuries. »

Le mardi 11, à 6h20 du matin, Krishna Chengadu, 46 ans et habitant Batimarais, a succombé à des blessures essuyées lors d'un accident survenu le 7 juin dans sa région. Il avait été percuté par un van alors qu'il traversait la route. Après cinq jours à l'hôpital de Rose-Belle il est décédé d'un « shock due to multiple injuries. »

Les deux autres victimes ont été enregistrés durant le week-end dernier. Louis Michael Johan Gontron, 50 ans, a été retrouvé avec de multiples blessures sur la route principale de Grand-Baie. Ce vigile devait rendre l'âme au moment d'arriver à l'hôpital pour les premiers soins. Tout porte à croire que le quinquagénaire a été victime d'un hit and run. Trois jours après avoir été victime d'un grave accident de la route, Satish Padaruth, 68 ans, habitant Bon-Accueil, a succombé à ses blessures à l'hôpital du Nord. Il y avait été admis le 6 juin dernier après avoir été percuté par une moto dans la région de Latapie à Bon-Accueil. L'autopsie pratiqué par le PMO a attribué le décès à une « cerebro cranial injury. »